Un peu plus de 200 nouveautés sorties en salles. Une trentaine de films en festivals qui attendent encore de sortir en France (ou pas). Une bonne vingtaine de reprises découvertes ou revues sur grand écran. En 2010, j’aurai posé près de 270 fois mes fesses dans une salle de cinéma. J’y aurai vu des films venus de France, Corée, Etats-Unis, Grande-Bretagne, Japon, Italie, Chine, Espagne, Iran, Vietnam, Allemagne, Australie, Slovénie, Argentine, Israël, Philippines, Danemark, Afrique du Sud, Uruguay, Bulgarie, Mexique, Inde, Canada, Suisse, Malaisie, Serbie, Tchad, Belgique, Chili, Russie, Autriche, Ukraine, Thaïlande et Suède. Comme je l’ai fait pour les films de 2008 et 2009, voici donc venu l’heure d’écrire quels sont les films qui m’ont le plus renversé, ému, chamboulé, éclaté. Mes films préférés de 2010, selon le calendrier des sorties en salles en France (à une exception près…).
1. BreathlessRéalisé par Yang Ik-JoonJ’ai vu deux fois en salles mon film préféré de 2010, mais bien avant sa sortie, en 2009. Une première fois à Paris Cinéma, une seconde au Festival Franco-Coréen du film. Et malgré la distance dans le temps, sa présence au sommet de mon classement est venue naturellement. Peut-être parce que Breathless fait partie de ces films qu’on ne voit pas venir, un premier film fauché. Peut-être parce que derrière la dureté des personnages décrits, une explosion d’amertume et d’émotion se cache. Peut-être parce que le souci de réalisme et de portrait saisissant de la société coréenne n’empêche pas une étonnante grâce poétique de parcourir Breathless.
2. InceptionRéalisé par Christopher NolanEn a-t-on trop fait avec Inception ? Le buzz incroyable, les 5 millions d’entrées, DiCaprio, la toupie qui tourne… Le nouveau film de Nolan a trusté une sacrée partie de l’attention cinéphile cette année, et certains lui ont indubitablement reproché d’être surestimé. Certainement pas moi. Je me suis laissé emporter par l’imagination de Nolan. J’ai laissé les subconscients m’embarquer avec eux. J’ai laissé la musique d’Hans Zimmer m’écraser d’inquiétude. J’ai laissé les aventuriers de l’esprit s’enfoncer vers le danger. J’ai laissé Christopher Nolan jouer avec mes nerfs, et éblouir mes sentiments cinéphiles.
3. Les amours imaginairesRéalisé par Xavier DolanCertains films sont des coups de poing, d’autres des aventures palpitantes… Et puis il y a les instants suspendus. Des valses cinématographiques élégantes, entraînantes, fascinantes. Le second film du jeune Xavier Dolan est de ces films. Une œuvre délicate où la liberté de ton se mêle à une beauté plastique sans équivalent sans année (ou presque). Par ce film, Dolan confirme tout le bien que l’on avait pensé de lui avec J’ai tué ma mère et s’inscrit dans la lignée des cinéastes esthètes dont le fer de lance a été à une époque Wong Kar Wai. En attendant que le chinois revienne en force, un jour ou l’autre, le jeune québécois se fait un nom. Déjà.
4. A single manRéalisé par Tom FordTom Ford réalisateur, j’y croyais très peu. Pourtant comme Dolan et ses amours imaginaires, Ford se révèle un cinéaste talentueux. Un œil faisant coexister à l’écran la beauté et la tristesse. A single man a l’inquiétude fiévreuse des grands films, cette amertume déchirante qui font les drames mémorables. A single man a surtout un grand personnage en son centre, et un grand acteur pour lui donner vie. Il paraît que Colin Firth va décrocher l’Oscar du Meilleur Acteur dans quelques semaines pour Le discours d’un roi. Je lui aurais déjà donné l’année dernière pour le film de Tom Ford. Mais mieux vaut tard que jamais.
5. MoonRéalisé par Duncan JonesJe ne pouvais pas résister à tricher. Habituellement, lorsque je nomme mes films préférés de l’année écoulée, je me borne à choisir parmi les films sortis en salles en France, laissant de côté les films vus en festival. Moon n’est pas sorti en salles, mais il aurait dû, et est finalement sorti au dernier moment directement en DVD. Mais ce bijou de science-fiction que j’ai découvert l’année dernière à L’Étrange Festival est un petit film plein de grandeur. C’est une des plus belles réflexions sur l’identité qu’un film ait tenté ces dernières années, et une performance d’acteur par l’incroyable Sam Rockwell passée trop inaperçue.
6. The social networkRéalisé par David FincherCa commence à devenir une habitude. David Fincher signe un des films les plus importants de l’année à chaque film qu’il réalise, surtout avec ses derniers films. Zodiac en 2007. L’étrange histoire de Benjamin Button en 2009. The Social Network en 2010. Sur le papier, un film sur les jeunes gens ayant créé ce tentacule géant du web qu’est Facebook n’excitait personne. A l’arrivée pourtant, The Social Network est tellement plus que ce qu’on aurait pu soupçonner. Fincher utilise Facebook comme prétexte pour un film traçant sa propre route le long d’une société où le rapprochement virtuel éloigne, où l’argent s’amasse vite sans sens, et où tout va à cent à l’heure.
7. PoetryRéalisé par Lee Chang DongChaque année, on a beau dire que le cinéma coréen n’est plus cette bulle de talents ayant explosé au début des années 2000, je me retrouve avec un ou deux films locaux parmi mes préférés de l’année. Certains ont pensé que Des hommes et des Dieux aurait fait une plus belle Palme d’Or qu’Oncle Boonmee… Ils ont tort. La plus belle et méritante des palmes cette année revenait à Lee Chang Dong. Le réalisateur des remarquables Oasis et Secret Sunshine continue son chemin de grand cinéaste méconnu, posant un regard tendre et dur à la fois sur des personnages malmenés par la société coréenne.
8. AgoraRéalisé par Alejandro AmenabarC’est l’un des premiers films que j’ai vu en 2010. Le début d’année cache souvent un film qui restera, même plusieurs mois plus tard, et Agora est sans conteste celui de l’année dernière. J’avais arrêté d’attendre beaucoup du cinéaste espagnol, révélé au milieu des années 90, notamment par Ouvre les yeux, mais qui depuis n’avait cessé de décevoir. En se plongeant dans l’Alexandrie du 4ème siècle, dans les rapports de force entre religions, dans les bousculements de la connaissance, dans la passion et le changement, dans la place de la femme dans la société et les relations maître / esclave, Amenabar a signé un film remarquablement moderne.
9. Green ZoneRéalisé par Paul GreengrassL’Irak est devenu un terrain de jeu régulier du cinéma américain. L’année dernière déjà, Démineurs s’était fait remarquer. En 2010, Paul Greengrass a lui aussi posé sa caméra au pays de Saddam, mais pour un film nettement plus politique, auquel on a sans conteste reproché d’arriver un peu tard. Certes Green Zone aurait dû être réalisé plus tôt. Mais cela n’enlève en rien ses qualités cinématographiques de pamphlet d’action à charge contre la guerre en Irak. Le film est haletant, révoltant, provoquant, et s’affirme comme le film le plus important qui ait été fait sur la guerre en Irak. Tard, mais si bien.
10. Toy Story 3Réalisé par Lee UnkrichTous les ans c’est pareil. A la fin de l’année, le Pixar annuel fait partie des meilleurs films de l’année. Cela paraît invraisemblable, mais c’est vrai. Ces dernières années, le studio d’animation signe un bijou cinématographique, et après Ratatouille, Wall-E et Là-haut, voilà que Toy Story 3 emporte les cœurs. Il a en tout cas emporté le mien, en s’attachant à être, non seulement une aventure drôle et tendre des fameux jouets, mais aussi et surtout un beau regard sur le temps qui passe, le passage à l’âge adulte, et la nostalgie de l’enfance qu’il faut parfois savoir dépasser. Un des grands moments d’émotion de 2010.
11. American TripRéalisé par Nicholas StollerL’humour n’est pas un art à prendre à la légère. En fin d’année, quand l’heure de décider quels films ont été les meilleurs a sonné, on oublie trop souvent les comédies. Mais il en est toujours une, deux ou plus qui méritent autant la mise en lumière que le plus sérieux des drames. Et en 2010, aucun film ne s’est révélé plus drôle que Get him to the greek. J’ai dit drôle ? Excusez-moi, je voulais dire si hilarant que j’ai cru que mon rire allait faire s’écrouler la salle dans laquelle je l’ai vu. Le spin-off de Sans Sarah rien ne va est un road movie pouvant provoquer étouffements et incontinence chez les personnes les plus fragiles, j’en suis persuadé. Si cela ne vous fait pas peur…
12. Le guerrier silencieuxRéalisé par Nicholas Winding RefnAprès l’excellente trilogie Pusher, l’embardée Bronson de Nicholas Winding Refn m’avait profondément gonflé. Mais cela n’aurait pour rien au monde diminué mon envie de voir ce qu’on annonçait comme le film de viking ultime. Le guerrier silencieux n’est pourtant pas un film de viking. C’est le trip le plus inattendu que le cinéma m’ait offert en 2010. Une aventure planante et mystique sur les traces d’un cinéma contemplatif et naturaliste. Un cinéma que l’on rejette ou que l’on embrasse. Je l’embrasse pleinement, sans l’ombre d’une hésitation.
13. Waking sleeping beautyRéalisé par Don HahnIl y a eu un nombre incroyable de documentaires fantastiques en 2010, dans lesquels la politique, le social et l’histoire ont trouvé une place prépondérante. Pourtant le documentaire qui m’a le plus touché était bien moins puissant sur le papier. Ce n’était que l’histoire des studios d’animation Disney entre 1984 et 1994. En plus d’une aventure humaine passionnante et d’un regard fascinant sur les dessous d’Hollywood, le film m’a replongé en enfance, dans mes souvenirs de garçon découvrant le cinéma. Le cinéma est affaire de subjectivité, et un film comme Walking Sleeping Beauty est là pour me le rappeler totalement.
14. AmoreRéalisé par Luca GuadagninoAu même titre que Les amours imaginaires et A single man, Amore a été là cette année pour me prouver à quel point l’esthétique au cinéma peut grandir un film. La saga familiale est presque un genre en soi, et on pourrait même dire que c’est à bien des égards une spécialité italienne. Amore prend pourtant le genre à contrepied, délaisse les sentiments exacerbés, les personnages hauts en couleur et la vie débordante pour s’installer hors de la zone de confort. Son film est aussi beau qu’il est froid, tout en retenue, et pourtant écrasant. C’est une épopée statique à la mise en scène renversante.
15. The Ghost WriterRéalisé par Roman PolanskiRoman Polanski est de ces cinéastes erratiques dont il est difficile de deviner à l’avance si son film sera bon ou mauvais, tant il nous a par le passé offert des deux ingrédients. The Ghost Writer ne me semblait pas franchement excitant, peut-être à cause de son sujet, peut-être à cause de son casting frileux avec deux stars pas toujours passionnantes, Brosnan et McGregor. Pourtant Polanski et son Ghost writer son venus balayer mes doutes. Dans des palettes grises et inquiétantes, Polanski a signé le thriller politique le plus passionnant de l’année, et offert à Brosnan et McGregor l’occasion de prouver quels acteurs talentueux ils sont.
16. Air DollRéalisé par Kore-Eda HirokazuComme Breathless, j’ai découvert Air Doll voilà plus d’un an et demi. Mais contrairement au coréen, je ne l’ai pas vu une seconde fois. Si cela avait été le cas, il y a de fortes chances que cette poétique balade nippone aurait trouvé une place plus élevée dans ce Top annuel. Mais sa présence n’est en rien anecdotique. Le cinéaste japonais qui m’avait déjà charmé à plusieurs reprises par le passé signe à mes yeux son plus beau film, une déambulation fantaisiste, poétique et amère. Une étonnante réflexion sur la vie et la mort incarnée avec une naïveté teintée de sensualité par la trop rare actrice coréenne Bae Doo Na.
17. Another YearRéalisé par Mike LeighSi j’ai vu certains des films de ce classement il y a bien plus d’un an, je n’ai vu le Mike Leigh qu’il y a quelques jours. Je ne suis pas un inconditionnel du cinéaste anglais. Si j’ai aimé par le passé certains de ses films (Secrets et mensonges et Be Happy entre autres), j’en ai aussi détesté (Vera Drake…). Pourtant son dernier film a su me toucher, par une mise en scène délicate et élégante, par un scénario patient, et surtout par des personnages magnifiquement peints et portés par leurs interprètes. Notamment par Lesley Manville et sa Mary, le plus beau personnage féminin de l’année avec la grand-mère de Poetry.
18. Fantastic Mr FoxRéalisé par Wes AndersonDepuis La famille Tenenbaum, je ne pense pas me tromper en affirmant que chaque film de Wes Anderson s’est trouvé parmi mes 20 préférés de l’année au cours de laquelle il est sorti. Et le cinéaste américain a beau se convertir à l’animation avec ce Fantastic Mr Fox, son cinéma n’a pas fini de m’emballer. Son obsession pour la famille et la mort, ses personnages loufoques et attachants, ses dialogues jouissifs, tout ce qui fait le sel de Wes Anderson est bien là.
19. L’épine dans le cœurRéalisé par Michel GondryL’année dernière, deux films français se trouvaient hauts placés dans mes préférés de l’année. J’ai cru un moment que cette année, aucun ne figurerait dans mon Top. L’arnacoeur et Des hommes et des Dieux, mes fictions françaises favorites, étaient quasi sûres de le manquer. Mais au printemps dernier, j’avais vu Michel Gondry partir sur les traces de sa famille, au fond de la province française, pour signer un film sur sa tante adorée, un projet qui allait lui échapper et se transformer en un déchirant portrait des relations entre la tante et le cousin, ou la difficulté de l’amour qu’une mère doit à son fils et vice-versa. Gondry est vraiment capable de tout, même d’un documentaire familial incroyablement délicat et touchant.
20. BuriedRéalisé par Rodrigo CortezJ’ai pas mal hésité sur le film auquel offrir cette vingtième place. La course à la vérité de Mother ? L’énergie euphorisante de Kick Ass ? Le beau retour de Kitano avec Achille et la Tortue ? La fraîcheur réjouissante de Tamara Drewe ? Le romantisme désenchanté de Dans ses yeux ? La brutalité fascinante de Dog Pound ? C’est finalement au suspense claustrophobe de Buried que je l’offre. Un film audacieux qui parvient à maintenir en haleine pendant 1h35 en enfermant un homme dans un cercueil avec un téléphone et un briquet. Sans jamais sortir la caméra du cercueil. Un tour de force fascinant et excitant.