Magazine Cinéma
Un film écrit et réalisé par Philippe Guillard
Avec Gérard Lanvin (Jo Canavaro), Olivier Marchal (Le Chinois), Vincent Moscato (Pompon), Jérémie Duvall (Tom Canavaro), Karina Lombard (Alice Hamilton), Abbès Zahmani (Le Boulon), Pierre Laplace (Frontignan), Lionel Astier (Bernard), Laurent Olmedo (François), Darren Adams (Jonah Tukalo), Sofiane Bettahar (Bouboule), Grace Hancock (Fanny)
Ma note : 6,5/10
Synopsis : Petit-fils d’une légende du rugby, fils d’une autre légende, et lui-même légende du rugby, Jo Canavaro élève seul son fils de 13 ans, Tom, dans un petit village du Tarn. Au grand dam de Jo, Tom est bien plus brillant en maths qu’avec un ballon ovale. Pour un Canavaro, la légende ne peut s’arrêter là, quitte à monter une équipe de rugby autour de Tom contre la volonté de tout le village et de son fils lui-même…
Mon avis : Pour moi, Le Fils à Jo, est un Billy Elliot à l’envers. Si la fin est la même, là ce n’est pas le gamin qui s’accroche à sa passion à l’insu de son père, c’est au contraire le père qui veut à tout prix que son rejeton reprenne le flambeau familial et perpétue la dynastie. Sinon, c’est le même esprit, la dimension dramaturgique en moins.
Moi-même passionné de rugby, c’est avec gourmandise que je suis allé voir ce film. Je connaissais Philippe Guillard au temps où il faisait les belles heures du Racing et sa façon ludique et distanciée d’aborder ce sport. Avec ses espiègles camarades Mesnel, Blanc, Lafond et Rousset, il avait contribué à apporter un peu de fantaisie dans cette rude discipline tout en le pratiquant avec le sérieux qu’exige le plus haut niveau. Un état d’esprit très novateur pour l’époque qui le rendait donc d’autant plus sympathique.
Son amour pour le ballon ovale est tout entier dans ce film. Il l’a écrit avec la légèreté de l’ailier qu’il fut. Et il l’a réalisé avec la science du « cadrage » qu’il possédait. C’est un film d’arrière, quoi… Alors, si j’en ai suivi les péripéties sans déplaisir, je n’y ai pas non plus pris un pied démesuré. Tout simplement parce qu’il est on ne peut plus conventionnel. Tout ce qui s’y passe est prévisible. Une heure et demie sans un seul faux rebond ! Un paradoxe. C’est rempli de clichés et on ne frémit pas un seul instant quant à l’issue du match – pardon – du film.
Et, en même temps, ce long métrage contient les qualités et les défauts d’un premier film. Sur le plan des qualités, il est plein de fraîcheur, il est pétri d’humanité, il retranscrit plutôt bien l’ambiance de ces villages du Sud-ouest où le rugby est une religion dominée par l’esprit de clocher… Sur le plan des défauts, il dégage une certaine naïveté, il est simpliste et convenu.
Toutefois, l’essai sera sans doute transformé car ce film véhicule des valeurs de base intrinsèques aux vertus du ballon ovale. C’est d’abord une histoire d’amour filial, puis une belle histoire d’amitié. De ce côté-là, ça fonctionne parfaitement. Le jeu de passes est huilé. Gérard Lanvin et Olivier Marchal s’entendent comme trois-quarts en foire. Gérard Lanvin est toujours bon quand il s’agit de jouer les bourrus au grand cœur. Il emmerde tout le monde, il est tyrannique et injuste avec son fils, mais on sait que c’est le dépit qui le rend ainsi... Olivier Marchal est comme un poisson dans l’eau avec ce genre de rôle pas très éloigné de sa propre philosophie toute entière consacrée à l’amitié. Ce mec-là déborde de tendresse et ça crève l’écran.
Et puis il y a Vincent Moscato. Encore néophyte dans le métier, il tire son épingle du jeu entre ces deux piliers de la comédie. Philippe Guillard ne lui a pas dessiné un personnage des plus glorieux, mais il en fait un être attachant (dimension tragique en moins, il m’a fait penser au Lennie de Des Souris et des Hommes de Steinbeck). Pour assumer un tel rôle, il faut posséder une belle dose d’auto-dérision et d’humilité. On en oublierait presque sa carrure.
Quant à Jérémie Duvall (Tom, le fils à Jo), il est absolument épatant. D’abord, il ressemble à Gérard Lanvin, ce qui rend leur filiation encore plus crédible. Ensuite, il ne sur-joue jamais. Il est naturel. Bon, on voit bien qu’il n’a pas été inscrit à l’école de rugby dès son plus jeune âge car il y a des automatismes qui ne trompent pas. Mais ce n’est pas très gênant. Il est bien, ce gamin.
Le film est également servi par de jolis dialogues agrémentés de savoureuses formules à l’emporte-pièce dignes des meilleurs raffuts.
C’est donc un film honnête et sympathique, un gentil divertissement auquel il ne manque que ce petit grain de folie qui en aurait fait du rugby champagne.