Pitcho, mon pitch : 1 trésor (des pièces d'or, bien sûr), 3 bandits prêts à tout (Blondin le Bon, Sentenza la Brute et Tuco le Truand) , et 2 noms de légende derrière les manettes (Sergio Leone pour la réalisation et Ennio Morricone pour la musique).
Vous avez sans doute remarqué que par ici, ça cause pas souvent western. Pas du tout, même. Faut dire que ce genre a tendance à me passer largement au-dessus de la tête avec ses histoires ultra convenues (la quête d'un magot, une vengeance, des batailles contre les indiens...(rayer la mention inutile)) et ses personnages plus que stéréotypés. Mais ça, c'était avant de voir "Le
bon, la brute, et le truand".
Argh, sacrilège ! Lee Van Cleef a osé copier le look d'un des personnages de Lucky Luke pour son rôle !!!
Car Sergio Leone réussit là où tant d'autres ont échoué. Tout d'abord, par la création d'un style unique, le sien, rentré depuis dans l'Histoire du cinéma : plans d'une lenteur extrême, mentions écrites, esthétique du visage (souvent buriné par le soleil, et contrastant ainsi avec la clarté des yeux, occupé par des mouches, et filmé en gros plan), importance du silence (il faut tout de même attendre la 10ème minute du film pour avoir la 1ère ligne de texte !!)... D'un coup, le western, genre usé jusqu'à la corde, devient quelque chose de tout à fait personnel, Leone mixant sa vision des choses aux codes du genre (le côté enfantin du western, avec la récurrence dans ce genre de l'étranger annonçant sans détour où se trouve la cachette d'un trésor (ils en ont du bol, ces personnages de western...)), tout en remettant en question de façon humoristique ces stéréotypes du genre, notamment lors de la fameuse scène du bain : le truand Tuco est tranquillement en train de se laver quand un cow-boy, intéressé par la prime offerte à quiconque livrera aux autorités le brigand, arrive, fier de lui, le pistolet à la main. Alors que celui-ci commence à exprimer sa joie dans une vraie logorrhée , Tuco l'interrompt prestamment d'un coup de feu, avant de lancer à son cadavre : "Quand on tire, on raconte pas sa vie !" (N.B : il est déconseillé d'utiliser cette phrase, aussi brillante soit-elle, comme message perso sur MSN. Sortie de son contexte, elle peut paraître bizarre et annoncer quelques étranges sous-entendus. Je le sais, j'ai testé).
...et Ennio Morricone a osé voler la musique de la pub de GDF-Suez !!! Mais où va le monde ??
Les personnages, dépeints dans toute leur ambiguïté, s'émancipent aussi des carcans du genre : Tuco (Eli Wallach) est annoncé comme le méchant, alors qu'il devient sûrement le personnage le plus sympathique aux yeux des spectateurs (plein d'une "tendresse et d'une humanité blessée", dira Leone en le qualifiant), Blondin (Clint Eastwood) est "Le Bon" alors que la bonté de ses actions laisse à désirer... D'ailleurs leur duo, au fonctionnement propre des tandems de comédie (deux personnes que tout oppose (physique, morale...) obligées de poursuivre la route ensemble), entre amour et haine, est aussi un des rouages clefs de la réussite de ce film. Gravite autour de ce duo le terrible Sentenza à la froide cruauté, qu'on aimerait voir plus souvent dans ce film, le personnage que dépeint Lee Van Cleef étant tout à fait intéressant, et figurant sans doute en bonne place dans la liste des meilleurs méchants du cinéma.
Au final, "Le bon, la brute et le truand" a beau partir d'une trame basique, elle est dynamitée avec brio par Sergio Leone, qui remanie le genre du western en brossant (avec l'aide de ses scénaristes) des personnages complexes et donc marquants, chacun ayant sa propre musique de Morricone. Bien sûr, tout n'est pas parfait dans cette oeuvre : par exemple, la séquence de la rencontre des soldats devant le pont, trop naïve, semble droit sortie d'un livre tel "Martine va à la guerre" (d'ailleurs cette séquence a été raccourcie dans la version française). Mais il est trop dur de bouder son plaisir devant un tel chef d'oeuvre du cinéma. A voir, revoir, et re-re-revoir.
L'anecdote gore : vous avez réussi à lire tout ça ?! Waouh, félicitations ! (ou alors vous avez vu le mot "gore" et vous êtes venus directement à ce paragraphe... dans ce cas là, je vous ordonne de commencer la lecture depuis le début, espèce de fainéants !) Ca mérite bien une petite récompense. Ce sera en l'occurence une petite anecdote, glanée sur Wikipédia : Leone ne trouvait pas de "faux" bon squelette pour la scène finale, et les services médicaux ne pouvaient lui en procurer un vrai. Il s'adressa donc à une femme louant le squelette de sa mère, actrice de son vivant, qui désirait "continuer sa carrière même après sa mort"... La petite histoire ne précise pas si le nom de la mère est inscrit ou non au générique...