Lorenzo Lotto (Venise, c.1480-Loreto, 1556),
Portrait d’homme avec une patte de lion dorée, c.1524-25 ?
Huile sur toile, 95,5 x 69,5 cm,
Vienne, Kunsthistorisches Museum.
J’avais chroniqué, il y a presque un an, le remarquable enregistrement que la Cappella Pratensis avait consacré, en opérant une fascinante remise en contexte, à la Missa de Sancto Donatiano de Jacob Obrecht. Cet ensemble nous revient aujourd’hui, en nous conduisant, cette fois-ci, dans l’Italie du début du XVIe siècle avec une anthologie regroupant des pièces composées dans l’entourage du pape Léon X, intitulée Vivat Leo ! et publiée par Challenge Classics.
Jean de Médicis (1475-1521), second fils de Laurent le Magnifique, accéda à la papauté le 11 mars 1513, prenant alors le nom de Léon X. Il est resté célèbre pour avoir mené grand train durant les huit années de son pontificat, son mode de vie dispendieux, financé en grande partie par la vente des indulgences, ayant choqué un jeune prêtre allemand nommé Martin Luther et contribué à renforcer ses convictions, avec les conséquences que l’on connaît, les tentatives de conciliation menées par la diplomatie pontificale s’étant montrées impuissantes à éviter la fracture de la Réforme. Les plus brillantes réussites de Léon X sont à chercher ailleurs, dans le domaine auquel son éducation au contact des cénacles raffinés de Florence l’avait rendu particulièrement sensible, les arts. On sait généralement qu’il fut le commanditaire assidu de Raphaël, mais on néglige souvent de souligner sa passion pour la musique, qu’il pratiquait lui-même et pour laquelle son appétence était au moins aussi importante que pour la peinture.
Neuf des onze œuvres proposées dans Vivat Leo ! sont issues du manuscrit 666 de la Bibliothèque médicéenne, que
l’on nomme aussi Codex Médicis. Ce recueil, qui regroupe 53 motets certainement chantés pour le pape Léon X, fait évidemment la part belle aux polyphonistes franco-flamands qui
régnaient, sans guère de partage, sur le monde musical européen depuis le XVe siècle, y compris en Italie – n’oublions pas, par exemple, que
c’est à Guillaume Dufay que revint l’honneur de composer le motet d’inauguration du Duomo de Florence (Nuper rosarum flores, 1436).
Pour être tout à fait honnête, la prestation de Joshua Rifkin, que l’on connaît surtout pour ses travaux polémiques sur
l’interprétation des chœurs à un chanteur par partie dans la musique de Johann Sebastian Bach, était attendue avec une curiosité mêlée d’une pointe de scepticisme dans un répertoire qui lui est
a priori moins familier. Elle se révèle, à mes oreilles, parfaitement convaincante, et ce, pour deux raisons. La première est que le chef ne cherche pas un instant à se faire valoir
mais choisit, tout au contraire, de mettre au service de l’ensemble qu’il dirige son expérience et ses connaissances sans tenter d’illustrer telle ou telle théorie. Cette attitude exempte de
systématisme lui permet, en conséquence, d’obtenir un remarquable équilibre entre fusion des timbres et respect de l’individualité de chacun d’entre eux, obtenant ainsi un son à la fois très
cohérent et ample sans qu’aucune des aspérités, où réside une large part de la force évocatrice de ces polyphonies parfois incroyablement complexes, soit pour autant amoindrie ou gommée.
Cappella Pratensis
Joshua Rifkin, direction
1 SACD [durée totale : 64’56”] Challenge Classics CC72366. Ce disque peut être acheté en suivant ce lien.
Extraits proposés :
1. Jean Mouton (avant 1459-1522), Exalta regina Gallie, à 4
2. Johannes de La Fage (fl. 1516), Videns dominus civitatem desolatam, à 4
3. Costanzo Festa (c.1490-1545), Inviolata, integra et casta es, à 8
Illustration complémentaire :
Raffaello Sanzio (Urbino, 1483-Rome, 1520), Le pape Léon X entouré des cardinaux Giulio de Médicis et Luigi de Rossi, 1518-19. Huile sur bois, 154 x 119 cm, Florence, Musée des Offices.