Hier après-midi, dans l'un de ces grands appartements parisiens du XVIème je suis tombé nez à nez avec un général à la retraite de l'armée de terre. Cherchant le mot qui fait mouche pour établir un contact simple et rapide je lui lance un "bonjour général". Un sourire se dessine sur son visage puis il me reprend : "bonjour mon général".
Et le baroudeur de l'Indochine de se lancer dans une exégèse de la salutation traditionnelle d'un officier de l'armée française. Le déterminant possessif "mon" n'est rien d'autre que le diminutif de "monsieur". La distinction entre "amiral" et "mon amiral" s'établira après la bataille de Trafalgar qui vit la défaite retentissante de notre marine face à la flotte anglaise. Dépité par cet échec majeur, et dans un geste impulsif et symbolique, Napoléon marquera d'un fer rouge la sémantique des marins de France : "A partir d'aujourd'hui, on ne vous appellera plus "mon amiral" ni "mon commandant" mais "amiral" et "commandant"." Sec, direct. La France était touchée, il fallait que cette déconfiture se traduise dans le verbe salé de nos défenseurs des mers.
Au-delà de l'anecdote, cet acte délibéré de modifier une culture spécifique reflète les conséquences immédiates et pleines de sens que ne manquent pas d'entraîner tous les drames qu'une nation peut bercer. Je pense aujourd'hui à la multiplication de l'illettrisme nourri par une politique d'immigration incontrôlée, ou encore au manque de culture générale de notre génération à qui l'on a répété que le passé de la France rimait avec le mot souffrance. Souffrance pour soi, souffrance pour les autres...
Nos actes de charité et de bienveillance, les étincelles de demain ou les "chispa", comme dirait l'hispanique Manuel Valls, permettront de faire briller à nouveau le nom France dans les pupilles de nos enfants. Soyons-en certains, le mot France rime avec l'espérance.