2010 se sera achevé comme elle a commencé.
Dans un terrible marasme politique, intellectuel et social.
Il fait nuit dans ce pays, et partout en Europe.
Et la nuit, tous les chats sont gris, surtout à l’approche de 2012.
A la faveur d’un prétendu "sarkozysme", (qui justifie ainsi un "anti-sarkozysme" mensonger, bien utile à celles et ceux qui ne veulent plus faire passer ce vieux monde cul-par-dessus-tête, ni ici, ni ailleurs, et le peuple palestinien attendra bien encore un peu...), tous les concepts aussi sont gris.
"Chaque chose en son temps" nous disent de nombreuses bonnes âmes.
"L’essentiel, c’est d’abord de battre la droite, et notamment, Sarkozy".
"Pour redonner de l’espoir" nous dit-on.
L’espoir, je ne suis pas contre, je serais même plutôt pour, mais enfin, le coup de l’espoir supposé re-dynamiser les luttes, on nous l’a déjà fait dans les années 80 il me semble.
On a vu le résultat.
C’était le début de la collaboration de classe et du désarmement du prolétariat.
Que nous avons payés hier encore, au prix fort, avec les luttes sur les retraites, où nous avons passé plus de temps à réveiller et organiser ce qui pouvait l’être qu’à nous battre réellement, puisque tout était à reconstruire, et qu’on ne peut pas être "au four et au moulin", même avec la meilleure volonté du monde.
Alors, heureusement qu’il est là, cet épouvantail à moineaux de Sarkozy, hein, pour nous faire repasser le PS et ses copains en 2012, non?
Si en plus, on a un second tour FN/PS, alors là, mes amis, l’affaire sera dans le sac. Un second tour UMP/ FN n’est cependant pas improbable, vue la Marine, et le reste, nombreux sont ceux qui pensent que 2002 n’était pas qu’un "accident" et ils n’ont peut être pas tort....(je dis ça pour tous mes amis qui se rangent à une démarche électoraliste dans le cadre d’une démocratie bourgeoise, et de façon incohérente avec eux-mêmes, s’emploient d’abord à diviser ce qu’ils appellent "la gauche"...)
Allez, finie l’opposition structurante "capitalisme/communisme", on parle encore et toujours plus de "droite" et de "gauche", alors que la situation actuelle impose un débat de fond sur ces définitions et leur usage/utilité, dans le cadre d’une analyse de classe.
Utile pour ne pas se poser la question de savoir si "la gauche" est bien toujours en lutte contre le capitalisme...
On s’en fiche ma bonne dame!
L’essentiel est que "la gauche" soit "de gauche", si possible même, "de gauche de la gauche de la gauche etc..."
Finie l’opposition structurante "bourgeois/prolétaires", "exploités/exploiteurs", "dominés/dominants"...
Vive l’opposition "riches/pauvres", tellement plus présentable, plus pratique et convenable pour s’en tenir à l’écume des choses et faire un score aux élections à venir sans effrayer les "classes moyennes"...
Qui pourrait être assez dégueulasse pour ne pas vouloir rendre les pauvres moins pauvres, dites-moi?
Nombreux sont ceux qui nous jettent au visage "la souffrance des gens sous Sarkozy" (ahhh, "les gens"...), comme une raison ultime de faire "quelque chose", même si cela doit être n’importe quoi.
Bien-sûr, je ne peux pas m’en moquer ni la nier cette "souffrance des gens". Non.
La question est plutôt ce que l’on pense devoir faire, en tant que communiste, pour que cette souffrance, inévitable dans ce moment du capitalisme que nous vivons (même avec "la gauche" aux manettes), ne soit pas en plus inutile.
Doit-on adopter une mentalité de curé ou de psychologue, tenir la main, caresser la tête "aux gens", et s’en tenir à la prescription d’anti-antidépresseurs sociaux sans penser à demain, aux effets secondaires de ces antidépresseurs (ce que propose "la gauche") ?
Ou doit-on refuser que "la souffrance des gens" (accessoirement, elle est aussi la nôtre en général, cette souffrance, non par compassion, mais par vécu) serve comme prétexte à tous les renoncements politiques?
Les communistes sont-ils devenus des soignants accompagnant la "fin de vie" ou ont-ils encore et toujours un "autre monde" à proposer et comment comptent-ils s’y prendre?
Personne (ou si peu, qui seront inaudibles) ne se demandera donc en 2012 comment il se fait qu’on rencontre des prolétaires riches (et embourgeoisés même!) et jamais de bourgeois pauvres (ni prolétarisés), cependant.
Trop compliqué, de regarder comment existent et fonctionnent les CLASSES et les frontières entre elles, sur quelles positions exactes se jouent les luttes quotidiennes...
Avec l’opposition non-structurante (sauf pour le capitalisme) "riches/pauvres", vive la "répartition des richesses", nouvelle "bataille" des dadets du PS et affiliés!
Vive la politique de la compassion.
Comme ça, on peut "vendre" du combat pour faire en sorte que les pauvres soient moins pauvres et les riches (un peu) moins riches.
Mais on ne supprimera pas l’inégalité fondamentale entre l’ouvrier qui travaille à l’usine et l’actionnaire qui possède l’usine. Celle de la propriété des moyens de production. Trop compliqué, il faudrait reparler de "révolution".
On s’en tiendra aux SCOP, voire au "capitalisme coopératif ou mutualiste", nouvelle panacée de la "gauche radicale".
Ou, "à gauche de la gauche" on agitera en plus des "nationalisations" (rebaptisées "pôles publics") sans surtout se poser la question, très compliquée, de l’Etat et de la Nation à ce moment de notre histoire, sans se poser la question de l’Union Européenne autrement qu’en façade ("il faut la changer"!).
Et, finie la "révolution", vive le "dialogue social", vive la "justice sociale"!
Même pas "la Justice" tout court, non, faut pas exagérer quand même...
Place aux "alliances de partis" tricotées par le haut, et terminée la question des alliances éventuelles de certaines classes ayant leurs outils de combat propres, dans le cadre des luttes.
Certaines personnalités sympathiques et éminentes nous ont souhaité de pouvoir nous "indigner" pour 2011.
L’indignation a été ainsi portée rapidement au pinacle des vertus. Pas la colère ou la révolte, non, l’indignation.
Comme si nous étions si loin de tout, tellement loin de l’humanité dans l’humain, que bon, finalement, au moins, s’indigner, ce sera déjà "pas mal" (surtout si ça peut permettre de "voter à gauche" en 2012. Sans remettre en cause ni la 5ème République, ni la république nationaliste bourgeoise, ni le système capitaliste. Trop compliqué. Trop long.)
Comme si c’était l’indignation qui faisait la résistance.
J’aimerais lui poser la question, sans ménagement particulier pour son grand âge ni pour son passé (dont je le remercie, comme tant d’autres, et notamment, des communistes). Est-ce parce qu’il était simplement "indigné" que Stephane Hessel s’est engagé dans la Résistance? Ou "un peu plus"?
Un peu plus, je pense. On ne risque pas sa vie à 22 ans, comme il l’a fait, avec tant d’autres, par simple "indignation", je crois... Quoi? Cela, lui seul peut le dire.
Allez, il devait bien y avoir des non-résistants indignés, en 1940? "Je suis indigné, bien-sûr, mais bon , que voulez-vous, j’ai une femme et trois enfants alors....".
Un peu comme il y a trois mois on entendait lors des luttes pour les retraites : "Je vous soutiens à fond mais vous comprenez, je ne peux pas me mettre en grève ni même me syndiquer...non, désolé".
Oh, bien sûr, je ne me couvrirai pas de ridicule à faire la leçon à ce grand homme (je le pense vraiment), et nous ne sommes pas en 1940, je ne mélangerai pas tout.
Mais j’attendais autre chose qu’un appel à "l’indignation" (et au vote PS?) venant, justement, d’un homme comme lui.
En 1954, Pierre Grouès, l’Abbé Pierre, autre résistant, était-il simplement "indigné"?...
A le réécouter parler des "provocateurs de toute violence" , des "situations de violence", ou dire "la misère est forcément muette, comme le pouvoir est aveugle", je ne pense pas, non, il n’a jamais été seulement "indigné", il était en colère, et il n’a jamais mâché ses mots, lui, bien "qu’homme de Dieu".
Ah..."Le gouvernement de Sarkozy" nous aura fait tellement de mal en 5 ans, c’est vrai. Faudrait-il être fou pour dire le contraire!
Un mal encore plus insidieux que la fonte de nos moyens de subsistance, que la baisse, chaque année plus dramatique pour de plus en plus de personnes, de nos revenus...
Ce mal s’appelle la trouille, le dégoût de la politique, le désespoir, pour beaucoup même, la dépression, franchement. Toutes ces "choses" qui vont pousser la majorité d’entre nous à faire, encore, de mauvais choix.
Mais..."Le gouvernement de Sarkozy", vraiment?
Oui, il parait que c’est Sarkozy tout seul qui a foutu tout ce merdier, dites donc. Il est vraiment doué le petit!
Pas le capitalisme, la bourgeoisie, les banques internationales et les syndicats patronaux, pas la mondialisation, pas les USA, pas le FMI, pas l’Union Européenne, pas l’incurie politique et syndicale, pas "l’opposition", aux abonnés absents ou en démonstration de pacotille (quand ils n’allaient pas carrément porter la soupe à l’UMP et au FN) quand on a eu besoin de nos "représentants".
Non! Sarkozy et son gouvernement, tout seuls!
Comme Kerviel et la Société Générale.
Alors vous avez bien compris hein, pour 2011, il faut vous indigner, pester devant votre poste de télé ou en écoutant votre radio.
Vous indigner, sentir votre cœur, cette jolie petit chose si fragile, capable de sentiments si nobles, se soulever d’indignation même, à chaque sale trouvaille de tel ou tel, Hortefeux, Valls et compagnie.
Tellement vous indigner qu’en 2012, (ne faites pas les andouilles hein), vous voterez "à gauche", voire même, si vous êtes très très indignés, au premier tour, "à gauche de la gauche" .
Pour plus "de justice sociale" et pour une "meilleure répartition des richesses" contre le "sarkozysme" et "la droite" pour "lutter contre la pauvreté"...
C’est pas la révolution, d’accord, mais "le grand soir ", hein, qui y croit encore?
Et puis, il faut bien de bonnes réformes pour préparer une bonne révolution, regardez Chavez, regardez vers la lumière du Vénézuela!
La révolution par les urnes, elle a eu lieu là bas, et c’est miraculeux. Au Vénézuela, Chavez change l’eau en vin et le vin en pétrole et il multiplie aussi les pains.Les aveugles revoient et les paralytiques remarchent.
Sans casse, sans heurts, démocratiquement, par les urnes! - Et tous ceux qui tordent un peu le nez devant l’exemple ou avancent quelques doutes, ou aimeraient, simplement, que l’on puisse ne pas refaire les mêmes erreurs avec le Vénézuela qu’avec l’URSS ( c’est-à dire, taire la critique, taire le débat) seront classés immédiatement "ennemis du peuple", je vous préviens...
Vous pourrez commencer, vous aussi, dès 2011 même, pour les cantonales votre "révolution par les urnes". (Vous vous êtes bien inscrits sur les listes électorales j’espère?).
Regardez, il y a même un parti qui a été créé "ex nihilo" (c’est très balèze, ça) fin 2008, par un ancien sénateur (à 32 ans s’il vous plait!), un gars du PS qui cause comme nous (dit-on), qui montre ses muscles chez Drucker et chez Ardisson, qui a soutenu Maastricht en 1992 et s’est réveillé de sa cuite pro-européenne 15 ans plus tard, spécialement pour vous qui êtes très très indignés et voulez absolument battre Sarkozy et tirer le PS vers "la gauche".
Ce n’est pas dur, ça s’appelle "le Parti de gauche", vous ne pouvez même plus vous tromper (même pour les mal latéralisés), comme le Port-Salut, c’est écrit dessus!
On vous le garantit sur facture. Avec ce Parti de Gauche qui aura ingéré, en plus, un bon paquet de PCF, grâce au Front de Gauche (là non plus, vous ne pouvez pas vous tromper), vous aurez des lendemains qui chantent.
Toi qui étais trop jeune pour voter, dans un enthousiasme délirant, Mitterrand dans les années 80, toi aussi, tu peux l’avoir, ta victoire du 10 mai 1981, ton "programme commun", toi aussi tu auras ta fête de "la victoire de la gauche" place de la Bastille, sous la pluie. A ton tour tu pourras dire "j’y étais".
Alors vote, "sans penser à demain", car l’essentiel, c’est MAINTENANT. Et demain, c’est un autre jour, donc on verra bien.
1983? Oh, un mauvais souvenir, un coup de pas de chance. Bon, bien sûr, il se pourrait que tu aies à voter pour Aubry ou DSK au second tour mais bon. C’est quand même mieux que Sarkozy et l’UMP non?
On va me dire : "Mais enfin, réveille toi, sois pragmatique, arrête de rêver, tu proposes quoi alors hein, pour les gens qui souffrent de la politique de Sarkozy? Le PS n’est quand même pas l’UMP!".
Ce que je propose, comme quelques autres, ce n’est pas très "sexy" car cela demande du travail, un énorme travail et plus de coups à prendre que de caresses à recevoir.
Ça demande de serrer les dents, de prendre du temps.
La proposition, c’est que nous prenions notre vie en mains.
Que nous grandissions.
Que nous ne nous précipitions pas encore dans des solutions électoralistes court-termistes, dans le paternalisme, qui ne vont pas du tout nous sauver (on a déjà eu un "père" dans l’histoire, il s’appelait Staline, "le petit père des peuples", et en France, même mieux, on a eu un gentil grand-père venu nous sauver, il s’appelait Pétain).
De se méfier des "lendemains qui chantent", qui pourraient bien, encore une fois, nous bricoler des "surlendemains qui déchantent".
Pourquoi des lendemains qui déchantent?
Parce que tout ce qui est proposé, "à gauche", ou "à gauche de la gauche" est à la fois incohérent et mensonger.
Tout ce qui ne fait pas des luttes directes du prolétariat le pilier central du changement dont nous avons besoin, va aggraver le désespoir, aggraver le renoncement, ramener les partis bourgeois encore plus forts, encore plus violents.
Tout ce qui accrédite la distinction entre "syndicalisme" et "politique", qui laisse à des syndicats affaiblis le soin de "gérer les contestations sur les lieux d’exploitation" et aux experts politiques de "mettre en musique les négociations patronat/salariat" nous tire vers le bas.
Il faut que nous prenions le temps et que nous trouvions le courage, non pas de nous "indigner", mais de CRÉER ce dont nous avons besoin comme armes, et d’AGIR.
Je propose donc qu’au lieu d’être indignés, nous soyons courageux et responsables, avec les yeux ouverts et les manches retroussées. Responsables de nous-mêmes.
L’urgence est donc à la création d’un parti des communistes.
Le communisme ne peut pas avoir vocation à être "un courant de pensée" toléré dans un parti à peine social-démocrate, genre "Die Linke", ou alors, c’est qu’on a rien compris à Tours, que les 90 ans du PCF (dont tout a été fait pour faire oublier ce qu’ils signifiaient) ne comptaient pas, qu’on s’apprête à effacer la leçon de 1905/1920!
Vous croyez que même avec un Front de Gauche à 15 % au premier tour en 2012 (soyons fous...certains semblent croire que c’est possible sous l’effet de l’aversion conjuguée pour le PS et le "sarkozysme", et qu’en plus, ce serait souhaitable!) le PS fera une autre politique que celle qu’il fait au FMI, ou dans les institutions de l’Union Européenne?
Bien sûr que non!
Le PS fera la politique que les capitalistes voudront bien lui laisser faire.
Dont ils auront besoin. L’ère Jospin et la gauche plurielle, c’était un accident entièrement imputable à Jospin? Soyons sérieux!
Avec ça me direz-vous, quel mal y aura-t-il alors à faire la courte échelle à un PCF déliquescent et à un Parti de Gauche fait dans le velours des appareils, et dont certains créateurs semblent affamés de pouvoir (pour notre bien, bien-sûr)?
Si ces partis ne servent pas à maintenir le PS sous perfusion, à renforcer la bipolarisation (ou la "tripolarisation" même, tant qu’on écarte le spectre communiste....), s’ils ne servent pas à nous distraire de la lutte contre le capitalisme, s’ils ne visent pas à renforcer l’Etat bourgeois plutôt qu’à le faire dépérir, si ce ne sont pas des mirages, s’ils ne sont pas là pour nous faire perdre encore plus de temps, si ces partis servent à la classe ouvrière et aux prolétaires à s’organiser pour lutter pour leur émancipation, et bien, en effet, il n’y a aucun mal.
Si c’est cela, vraiment, alors oui, on peut trouver très révolutionnaire sans doute, de soutenir des candidats qui, au plus fort des luttes sur les retraites, instillaient, en toute conscience, le poison du renoncement en agitant le mirage d’un hypothétique "référendum" sur le sujet...
Mais pardonnez-moi si je doute quand je lis "les programmes" (de "projet politique" ça en revanche, il n’y en a pas).
Bien républicains, bien souverainistes, bien centralisateurs, et pleins "d’expertises".
Bien jacobins, pour tout dire, et donc, à mon humble avis, désormais fortement anachroniques, pour ne pas dire intrinsèquement incompatibles avec toute tentative révolutionnaire communiste...
Alors oui, cela me fait mal au coeur de voir des camarades valeureux partir dans ce sens ; je me dis que ce sont des énergies et des savoirs perdus pour la lutte. Et bon, tant pis, il faut faire avec. Ceux qui sont sincères comprendront vite, et mieux, une fois "dedans", n’y resteront pas longtemps.
Donc, ce que je nous souhaite pour 2011 et au-delà, c’est, non pas de nous indigner, mais de savoir nous organiser pour pouvoir nous révolter et nous battre.
Ce que je nous souhaite à toutes et à tous, pour 2011, c’est d’avoir une assez bonne santé et encore assez de folie pour souffler toujours sur les braises de la révolution et du communisme.
D’affûter les concepts et les mots, de mettre du bois dans le feu, et avec ce feu, non pas de nous chauffer les mains devant la cheminée d’une énième République arrière-arrière-petite fille de la révolution bourgeoise de 1789, mais d’embraser les institutions existantes, qu’elles partent en fumée, et avec elles, la classe dominante et les Idées qui les tiennent.
Bonne année 2011 de luttes et de renaissance politique, camarades communistes!