Le Roy © Casterman - 2010
« Camp de réfugiés d’Aïda, Cisjordanie, été 2008. Mahmoud Abu Srour est un jeune Palestinien de 22 ans, qui survit en tenant une petite épicerie. Il s’évade par le dessin et ses lectures, captif d’une immense prison à ciel ouvert : toute la Cisjordanie est une nasse sans issue, cernée par un mur presque infranchissable de 700 kilomètres de long… Son sésame pour une autre vie rêvée : Audrey, une jeune française de 19 ans, venue en Palestine pour comprendre ce qui s’y passe. Mahmoud en est amoureux, et espère la séduire en lui proposant de passer deux jours dans sa famille, chez sa soeur installée dans une ville israélienne toute proche. Mais pour concrétiser ce projet tout simple, il faut défier les règles et prendre de gros risques, au nez et à la barbe de soldats israéliens en état d’alerte. Il faut faire le mur… » (synopsis éditeur).
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En 2010, Maximilien Le Roy nous a gratifié de quatre albums dont Les Chemins de traverse (je ne taris pas d’éloges sur cet album paru au mois de juin) et Faire le mur.
Une préface de Simone Bitton nous accueille dans cet album. Elle y présente Mahmoud et, en s’aidant de ce prisme humain choisit par Max Le Roy, parle plus généralement de toute une génération de Palestiniens enlisés dans un conflit qui les dépassent, qui brise leurs familles et leurs espoirs. « Bourré de rêves et de pensées, il utilise chaque recoin de son cœur et de son esprit pour y faire vagabonder sa mémoire » dira-t-elle.
Avant tout, on sent (dans cet ouvrage) l’amitié qui s’est tissée entre l’auteur et son témoin, mais peut-être est-on influencé par la courte présentation du rabat de la couverture qui en explique les prémices : une rencontre dans le cadre d’ateliers de dessins animés au centre de réfugiés d’Aïda. La complicité entre ces deux artistes donne lieu à un récit intimiste dans lequel on ne sait plus lequel des deux est notre narrateur. Le scénario, mélange de récit narré à la troisième personne et de journal intime, bénéficie d’enchainements très fluides. Je me suis lovée dans l’hospitalité que nous offre Mahmoud, je me suis contentée de ses paroles sans chercher à prendre du recul sur l’environnement qui fait son quotidien, tant ce conflit me dépasse et m’embrouille.
Au niveau graphique, Faire le mur offre une promiscuité entre les ambiances graphiques du français et du palestinien. Majoritaires sur l’ensemble de l’album, les dessins brutes et réalistes de Max Le Roy, exploitant les jeux de hachures pour marquer expressions et reliefs, s’allient aux dessins de Mahmoud . Ces derniers s’immiscent progressivement dans l’album, matérialisant les fantômes et les fantasmes du jeune homme. Une fois encore *, ce choix permet à Max Le Roy d’être le passeur objectif d’un témoignage sans besoin de recourir à une quelconque forme d’interprétation. Il confie la parole à Mahmoud et nous, lecteur, nous ne sommes pas pris à la gorge quant à la nécessité de prendre parti.
* voir Hosni ou Les Chemins de Traverse
Faire le mur – Le Roy © Casterman – 2010
En fin d’album, trois bonus complètent l’ouvrage : un album photos de Mahmoud Abu Srour, un reportage photo de Maxence Emery enrichit de quelques commentaires et la retranscription d’un entretien avec Alain Gresh.
Cette lecture s’inscrit dans le Challenge Histoire de Jelydragon
Un auteur à découvrir… si vous ne l’avez pas déjà fait. Un récit intimiste que je vous conseille.Les avis sur cet album : Théoma, Dan29000, E.G..
Extraits :
« Avant que le mur ne voie le jour, au printemps 2002, je me suis rendu dans un bordel de Tel-Aviv. J’ai payé pour trente minutes. Je suis resté assis au bord du matelas, tétanisé. L’éducation religieuse avait gagné par K.O. » (Faire le mur).
« Mais ce mur ne tient pas tout seul, raison pour laquelle il faudrait lui échafauder une paire de guillemets. « Mur », voilà qui est plus exact. Car il fait partie d’un dispositif plus dense : colonies + toutes et tunnels réservés aux israéliens + checkpoint + zones militaires + miradors… Rien que sur les routes de Cisjordanie, on compte plus de 500 obstacles. Magie de la propagande : elle fait passer un vaste processus d’annexion pour une barrière de sécurité. Et l’opinion internationale avale ça comme un spot publicitaire » (Faire le mur).
« Notre peuple a payé très cher le combat armé. Soixante ans de guerres et toujours aucune issue à l’horizon… Lutter, c’est cultiver la vie plutôt que la mort. L’encre de l’érudit est plus sacrée que le sang du martyr a écrit le prophète. Notre champ d’action à l’intérieur est bloqué. Créer des passerelles avec l’extérieur, par tous les moyens possibles – conférences, films, livres – reste la seule option pour sensibiliser l’opinion internationale, dans l’espoir qu’elle puisse à son tour se mobiliser pour faire pression sur les pouvoirs nationaux » (Faire le mur).
Faire le Mur
One Shot
Éditeur : Casterman
Collection : Univers d’auteurs
Dessinateur / Scénariste : Maximilien LE ROY
Dépôt légal : avril 2010
Bulles bulles bulles…