PAR BERNARD VASSOR
Ce dernier portrait,fin 1854, début 1855, peu avant sa mort par Félix Nadar, ou Adrien Tournachon son frère,113 rue Saint-Lazare ?.
Après de nombreuses versions déjà publiées sur ce blog, voici celle d'Alexandre Dumas, qu'il semble avoir écrite en 1866, 11 ans après le "suicide" de la rue de la Vieille Lanterne. Cette version bien sûr, contredit les documents officiels (procès-verbal du commissariat de police Saint-Merri) que nous avons déjà évoqué.
Notre ami Alexandre père, conteur impénitent, mis sa patte à cette nouvelle histoire et en donna sa version.
C'est dans un texte intitulé
Nouveaux Mémoires :
Sur Gérard de Nerval, Edtions Complexe, 1990.
Dans ces Mémoires "
inédits", Dumas raconte que le vendredi matin 26 janvier, il fut réveillé par le porteur d'une lettre d'Arsène Houssaye lui annonçant la mort de Gérard dans un accès de folie, lui demandant de venir le rejoindre rue de la Vieille Lanterne. Ce que fit Alexandre en toute hâte. Arrivé sur place, il décrivit les lieux :
"
Alors la rue se rétrécit. On lit en grosses lettres sur un mur en face :
BAINS DE GESVRES
et au dessous :
BONDET (sic)
entrepreneur de serrurerie.
Au pied du mur sur lequel sont inscrites ces deux affiches, commence un escalier avec une rampe de fer.
Escalier visqueux ,étroit, sinistre, un prolongement de la rue conduit à la boutique d'un serrurier qui a pour enseigne une grosse clé peinte en jaune.(...)dans l'obscurité au fond, vous découvrez une fenêtre cintrée avec des barreaux de fer pareils à ceux qui grillent les fenêtres des prisons. Vous y êtes, c'est à ce croisillon de fer que le lacet était attaché. Un lacet blanc comme ceux dont on fait des cordons de tablier. (...)C'est là, les pieds distants de cette marche de deux pouces à peine que le vendredi 26 janvier 1855 au matin, à sept heures trois minutes, ( notez la précision !)
juste au moment où se lève cette aube glaciale des nuits d'hiver que l'on a trouvé le corps de Gérard encore chaud et ayant son chapeau sur la tête.(...)Les gens qui les premiers le virent, n'osèrent pas le détacher, quoique l'un d'eux fit observer qu'il n"était pas mort puisqu'il bougeait encore la main (...) On alla chercher le commissaire de police, M. Blanchet, et un médecin dont j'ignore le nom. Le corps était encore chaud. Le médecin pratiqua une saignée, le sang vint; mais Gérard ne rouvrit pas les yeux. Nous allâmes de la rue de la Vieille Lanterne à la morgue où le corps avit été déposé. De l'endroit où Gérard s'était pendu, jusqu'à la morgue, il n'y avait qu'un pas.
Le récit se poursuit avec la description du cadavre de Nerval, vêtu seulement d'un pantalon, le torse nu, puis les démêlés sordides dans ces circonstances avec Gautier et Houssaye à propos des funérailles, et de l"élévation d'une stèle sur sa tombe.
Cette estampe de son ami Célestin Nanteuil fut publiée dans "
L'Artiste" avec la légende suivante :
"
N'est-il pas étrange de penser que Gerard de Nerval, qui a marqué de l'empreinte de son pied hardi, au haut des cascades de Tivoli, des glaciers du Saint-Gothard et des dangers du Vésuve soit venu se briser à ce sombre écueil"
La ruelle sera démolie peu de temps après la mort de Gérard.
LA MORGUE DU MARCHE-NEUF
C'est Asselineau qui fut prévenu de la mort de Gérard par la Morgue ou la police. Un fragment de carte de visite avait été retrouvé dans la poche de Nerval.
REGISTRE DE LA MORGUE :
"Arrivée du corps à 9 heures et demie du matin de Labrunie Gérard dit Nerval, demeurant 13 rue des Bons-Enfants; vêtements et objets :
un habit noir, deux chemises en calicot, deux gilets de flanelle, un pantalon en drap gris vert, des souliers vernis, des chaussettes en coton roux, des guêtres de drap gris, un col noir en soie, un chapeau noir, un mouchoir blanc.
Genre de mort : suspension (..) suicide; cause inconnue (..) cadavre trouvé sur la voie publique rue de la Vieille-Lanterne (..) cet homme était connu avant son entrée à la Morgue (..) le corps a été réclamé par la Société des Gens de Lettres(...)."
Procès-verbal du commissariat de police de Saint-Merri :
"Ce matin, à sept heures et demie (26 janvier 1855) le dénommé (..) a été trouvé pendu aux barreaux (à l'enseigne)
de la boutique d'un serrurier (Boudet) rue de la Vieille Lanterne, déclaration de Laurent, sergent de ville du quatrième arrondissement; l'individu était déjà mort, transporté au poste de l'Hôtel de Ville, secouru par deux médecins, mais en vain. Il, s'est pendu avec un ruban de fil, son corps était attaché aux barreaux avec le lien, aucune trace de violence sur le cadavre"
Le 29 janvier 1855, le préfet de Police, donnait l'autorisation de remettre la dépouille de Gérard à
Balard, délégué de la Société des Gens de Lettres.
Le même jour, le commissaire de Police donnait l'autorisation au sculpteur
Auber, de mouler ou daguerréotyper les traits de Gerard de Nerval. D'après une lettre
d'Auguste Luchet**, il semblerait que le masque et la photographie aient été réalisés un jour avant que l'autorisation ne lui fut accordée. Jusqu'à ce jour, nous n'avons aucune trace de ces éléments....
D'après les chroniqueurs de ce temps,la température cette nuit-là, était de moins dix-huit degrés.
*Archives de la préfecture de Police
**Auguste Luchet, maçon, de la loge Saint Vincent de Paul, avait annoncé la mort de Gérard de Nerval à Godfroy, Louis Ulbach François Favre en ces termes : "M. Auber sculpteur distingué à tous les titres, a bien voulu se charger de reproduire les traits de notre malheureux frère...".C'est moi qui souligne ce passage. Tous ces noms cités sont ceux des futurs (en 1858) créateurs de la revue "
Le Monde Maçonnique". Il semblerait donc que Gérard fut du nombre des frères de la loge 113 ???
BnF (Smith-Lesouëf. Res 3683 )
Source principale :
Exposition à la BHVP (1996), Commissaire
Eric Buffeteau, qui m'a promis des révélations pour bientôt,
A suivre....