Pour moi, discourir sur l’Univers c’est raconter l’histoire de l’Univers tel que perçu par l’homme au cours des millénaires et c’est aussi raconter l’histoire de l’homme lui-même tel qu’il s’est perçu et se perçoit encore dans cet Univers.
Avant de s’attaquer à l’immensité des cieux, commençons donc par là, si vous le voulez bien.
I. De l’homme primitif jusqu’à Galilée
L’animisme
Lorsque la conscience a lentement émergé dans l’esprit de l’homme primitif, celui-ci a dès lors su porter un regard global sur son environnement. Il a alors cru que tous les êtres et toutes les choses étaient habités d’un esprit, au même titre que lui-même : l’arbre qui lui prodiguait ses fruits, l’animal qu’il chassait, le feu qui le réchauffait. Il remerciait l’arbre et le feu pour leur générosité et s’excusait auprès de l’animal qu’il abattait. Tout avait une «âme». C’était un monde «animiste».
Tous étaient donc égaux dans ce monde primitif. Et lui, l’homme, était au centre de ce monde merveilleux. Il lui suffisait de lever les yeux pour voir le soleil, la lune et les étoiles tourner au-dessus de sa tête pour comprendre qu’il était au beau milieu. Pour peu qu’il s’en donnât la peine, il avait tout à portée de main pour se nourrir dans les territoires giboyeux qu’il habitait. Son supermarché là, droit devant la porte. Il lui fallait quand même être un peu prudent car, à cet égard, les tigres et autres prédateurs voyaient les choses de la même façon et, pour ces bêtes, l’homme lui-même était sur les étalages.
La mythologie
Mais bientôt l’homme se mit à s’interroger sur les séismes, les volcans, les tornades, les inondations et tous ces multiples cataclysmes. Alors il se mit à penser qu’il devait bien y avoir quelque part des esprits plus puissants que le sien et que celui des bêtes et des choses qui l’entouraient. Alors il inventa des dieux. Une multitude de dieux auxquels, bien entendu, il prêta ses propres sentiments et conféra une hiérarchie. C’est Voltaire, n’est-ce pas, qui a dit «Dieu a fait l’homme à son image mais l’homme le lui a bien rendu». Comme ces dieux étaient très puissants et parfois coléreux et, qu’au surplus, ils ne se gênaient pas pour intervenir dans les affaires des hommes, alors il fallait les traiter avec respect, leur offrir des cadeaux. L’homme alla jusqu’à bâtir d’immenses temples en leur honneur. Mais, pour entrer en contact avec eux, il fallait de grands ambassadeurs. Alors l’homme nomma desgrands prêtres. Ce fut, on le sait, l’aire mythologique. Parlez-en à Ulysse, ce héros légendaire du grand poète grec Homère. Il vous dira les rôles importants qu’ont joués les dieux pour le ramener dans son royaume d’Ithaque auprès de sa bien-aimée Pénélope.
Le miracle grec
Environ six siècles av. J.C., les Milésiens s’étaient mis à chercher des explications naturelles aux mystères de l’Univers. Leurs explications nous font sourire aujourd’hui par leur simplisme. Mais il n’en demeure pas moins qu’ils tentaient de trouver en dehors des dieux et dans la nature elle-même l’explication de ces mystères. Ces philosophes de la nature (Thalès, Anaximandre, Anaximène, etc.) ont ainsi inventé la science expérimentale, c’est-à-dire la science basée sur l’observation, à laquelle on ne reviendra que plusieurs siècles plus tard avec de grands esprits comme Galilée.
Les Milésiens tentèrent également «de savoir de quoi est fait le monde, en faisant l’hypothèse géniale que tout ce qui existe dérive d’une façon ou d’une autre d’une unique substance primordiale. Thalès imaginera par exemple que le monde est fait d’eau…l’eau qui s’évapore donne l’air, l’air vital qui emplit nos poumons, l’eau crée la terre nourricière, puisque lorsqu’elle se retire après la pluie, il reste le limon fertile ; l’eau transforme une terre stérile en un jardin, couvert de fleurs et de miel». Chacun de ces grands esprits milésiens tentera à sa façon de trouver cette unique substance primordiale.
Les philosophes qui leur succédèrent, tels Pythagore, Platon, Aristote et Cie, recherchaient des principes immatériels pour expliquer les mystères de l’Univers. Par exemple, chez Pythagore, ce fut le monde des âmes qui se réincarnaient et, chez Platon, ce fut le monde des idées. C’est ainsi que ces philosophes inventèrent de nouvelles approches basées sur leurs réflexions (et non plus sur l’observation de la matière comme le faisaient les Milésiens).
On parle du miracle grec en se référant à cette période car il faut bien voir que c’était là une véritable révolution culturelle : on était en train de dire aux gens, qui priaient les dieux et à qui on offrait des sacrifices, que ces dieux qui contrôlaient prétendument les forces de la nature n’existaient pas et que c’était dans l’observation de la nature elle-même ou dans la réflexion philosophique qu’il fallait chercher l’explication des mystères de l’Univers.
L’empire romain créa sa propre mythologie et hérita aussi de la culture grecque mais, avec la chute de cet empire et les invasions barbares, la culture grecque émigra en Perse et se perdit dans la nuit des temps (pour n’être redécouverte que plusieurs siècles plus tard au moment de la Renaissance).
Il faut dire que, de leur côté, les Babyloniens avaient une bonne connaissance du mouvement des astres mais ne s’en servaient que pour tirer des oracles, sans pour autant remettre en question l’intervention des dieux dans la mécanique céleste.
Le monothéisme
Le bon peuple était imperméable à la pensée des grands philosophes grecs et tenait beaucoup à ses dieux. Mais peut-être est-ce à cause du discrédit des multiples dieux des mythologies grecques et romaines ou peut-être à cause des nouveaux courants de pensée apportés par le christianisme, le monde occidental substitua un Dieu unique à ces multiples dieux. Dès lors, l’Ancien et le Nouveau Testament firent foi de tout. A quoi bon chercher des réponses à gauche et à droite aux mystères de l’Univers alors que tout était dit dans la Bible. La pensée des grands philosophes grecs comme Platon et Aristote ne servit plus, dès lors, que de support aux raisonnements théologiques de Saint-Augustin et de Saint Thomas d’Aquin.
Au Moyen Âge, la réflexion sur l’Univers stagne et on en revient même à dire que la terre est plate puisque les Saintes Écritures suggèrent qu’elle aurait quatre coins et qu’on y trouverait des montagnes, du haut desquelles on peut voir tous les royaumes de la Terre. Celle-ci est au centre de l’Univers (géocentrisme) et tous les astres gravitent autour d’elle. Les étoiles, pour leur part, sont figées dans leurs positions respectives, comme le pensait Aristote 300 ans avant Jésus-Christ. L’homme est l’enfant chéri de Dieu. Il est au sommet d’une échelle plantée au centre de l’Univers où Dieu l’a juché. Et voilà, tout est clair : c’est ainsi que fonctionne l’Univers. À bas ces esprits tordus qui cherchent des explications en dehors des Saintes Écritures.
L’homme se croyait le centre de l’Univers
Le premier coup de pied dans l’échelle a été donné près de deux mille ans plus tard par un moine polonais: Nicolas Copernic. Il a timidement avancé l’hypothèse que c’était le Soleil qui était au centre de l’Univers (héliocentrisme) et que la Terre tournait autour du Soleil et non l’inverse. C’était au temps de la Sainte Inquisition et malheur à celui qui osait contredire les Saintes Écritures : il risquait de finir ses jours sur le bûcher. Or il est dit dans la Bible (livre de l’Exode et livre de Josué) que, à l’approche de la nuit, Josué arrêta le Soleil pour anéantir totalement ses ennemis amorites avant la noirceur. Si donc Josué a arrêté le Soleil, c’est donc bien là la preuve irréfutable que c’est le Soleil qui bougeait et non la Terre. Copernic a toutefois eu la prudence de ne publier ses écrits qu’à la veille de sa mort.
Mais, peu de temps après, au XVIIe siècle, Galilée reprit la thèse de Copernic mais en la claironnant à tous vents. Il faut dire que Galilée avait mis la main sur une lunette astronomique, qu’il l’avait bricolée pour la rendre plus performante et avait découvert, en scrutant Jupiter, que des lunes circulaient autour de cette planète. Ce qui lui fit dire que les astres du ciel ne tournaient pas tous nécessairement autour de la Terre. On sait le sort qui attendit Galilée : il dut se rétracter devant le tribunal de l’Inquisition et fut condamné à résidence pour le reste de ses jours. Son contemporain, Giordano Bruno, qui adhère aux vues de Copernic et va même jusqu’à prétendre qu’il n’y a aucun astre au milieu de l’univers, fut moins chanceux : on le fit cuire sur le bûcher.
Toutefois, le monde scientifique, particulièrement avec de grands noms comme ceux de Kepler et Newton, ne tarda pas à se ranger derrière la thèse de l’héliocentrisme de Copernic et Galilée. Le coup de pied de Copernic avait peu ébranlé l’échelle que l’homme s’était érigée car, comme on l’a vu, Copernic a eu la sagesse de trépasser immédiatement après la publication de ses écrits. Mais le coup de pied de Galilée fut beaucoup plus vigoureux et fut suivi de plusieurs autres coups, de sorte que le pied de l’échelle s’arracha et l’homme descendit d’un cran. Même l’Église, après maintes hésitations, finit par réhabiliter Galilée le 31 octobre 1992 par la voix de Jean-Paul II. Il faut dire que, à ce moment-là, l’échelle était déjà salement amochée.
La percée de Copernic et Galilée ne fut qu’un préambule sur le chemin de la connaissance de l’Univers. Attendez un peu de voir les suites spectaculaires de cette première percée et particulièrement les découvertes du XXe siècle qui flanquèrent de grands coups de pied dans l’échelle que l’homme s’était érigée au Moyen Âge. Dans les prochains chapitres, l’homme ira de surprises en surprises dans la découverte de son Univers et, en fin de compte, dans sa découverte de lui-même.
J’espère bien que vous aurez le goût de me suivre dans cette palpitante et exaltante aventure.
à suivre…
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