Chaque chambre est d’abord rituellement décrite (c’est la partie un peu fastidieuse de ce qui ressemble fort à un exercice de style) puis le reste de la page (chaque « chambrée » comporte entre deux et trois pages) laisse place à l’une des ces anecdotes souvent humoristiques, parfois scabreuses, toujours stimulantes pour l’esprit.
A travers ces anecdotes, l’auteur se livre notamment à quelques uns de ces autoportraits caustiques dont il a le secret. Et je retrouve au fil des pages, ce visage que je connais bien, et, sous la plume sagace, de plus en plus chahuté par le temps qui passe. Cependant, il ne faudrait pas pour autant commettre l’erreur qui consiste à confondre auteur et narrateur.
Rolin, à l’intérieur de cet ouvrage, me semble agir comme en un laboratoire de l’écriture. Ses personnages y sont « expérimentaux » et sous les « je » (qu’on se souvienne du « je est un autre » de Rimbaud, défilent des consciences très diverses, peut être des tentations du « je » Rolin... car, pour qui connaît le bonhomme, le « boxeur trafiquant d’armes », « le poète syrien alcoolique », « le séducteur de bonnes »... ne sont pas éloignés du portrait nature de l’écrivain voyageur ! Qu’on relise cette formule de Paul Valéry figurant en exergue : « Si chaque homme ne pouvait pas vivre une quantité d’autres vies que la sienne, il ne pourrait pas vivre la sienne »