L'enquête de Philippe Claudel

Par Sylvie

Editions Stock, 2010

 

Les fidèles de Philippe Claudel seront sans doute déconcertés par son dernier roman qui évolue vers le récit fantastique ou d'anticipation...on pourra aussi y voir un conte philosophique, une allégorie.

Quittons donc les récits classiques réalistes de la rentrée littéraire sur le monde de l'entreprise, les Retours aux mots sauvages de Thierry Beinstingel par exemple ou encore Les vivants et les morts de Gérard Mordillat.

Dire que ce livre se réduit à l'enquête d'un homme au sujet de suicides à répétition dans une entreprise serait un raccourci dangereux !

Car ce roman énigmatique ne ressemble à aucun autre roman sur l'entreprise et le monde du travail.

Dès les premières pages, Claudel nous promène dans un univers fantomatique, de nuit et de brumes. Un enquêteur (chaque personnage du roman sera désigné par son fonction) arrive dans une ville, qui ne sera jamais nommée ; il cherche à rejoindre les murs de l'Entreprise...mais il ne croise personne dans les rues, il se perd, veut trouver un hôtel n'y arrive pas, il voit que l'entreprise est entourée de barbelés.

Enfin, il aperçoit un hôtel, et est accueilli par une étrange logeuse qui le désigne par un numéro ; il échoue dans une chambre minuscule et il découvre qu'il n'y a pas de toilettes pour hommes...

Il n'est pas au bout de ses surprises ....L'Entreprise se révèle un univers carcéral où chacun dénie l'existence d'une enquête ? Mais y en a-t-il vraiment une ? L'Enquêteur a-t-il toute sa raison ?

Une salle de bain à l'eau brûlante, des voix que l'on entend dans les murs, un téléphone au plafond, un policier qui poursuit l'enquêteur pour avoir dessouder le rouleau à papier des toilettes....Voici quelques mésaventures de l'enquêteur.

Récit kafkaïen ? Introspection d'un homme fou ? Récit d'anticipation ? Conte allégorique sur la condition humaine ?

Le grand mérite de Philippe Claudel est de laisser le lecteur faire sa propre interprétation. Ce récit n'est donc pas un récit social comme ont pu le faire Salvaing, Mordillat, Kuperman....C'est un récit sur le thème de l'aliénation au sens large. On peut y voir une allégorie de notre société contemporaine régie par des normes ultra sécuritaires ou encore les délires d'un aliéné.

Du grand art....