James Matthew Barrie dans l'ombre de Peter Pan

Lorsque James Matthew Barrie signe l'adaptation romanesque Peter and Wendy en 1911, il est un dramaturge et écrivain reconnu de cinquante et un ans.

Depuis déjà une décennie Peter Pan revient sous sa plume ( à l'origine album de photographies dès 1901, personnage de quelques chapitres du roman Le Petit Oiseau Blanc en 1902 qui deviendront le texte de l'album illustré par Arthur Rackham sous le titre Peter Pan in Kensington Gardens en 1906, pièce de théâtre mise en scène en 1904...).

L'auteur n'aura de cesse d'explorer Neverland, d'accompagner l'éternel enfant, lui donnant encore et toujours vie, la liberté aussi. En réponse au succès de la pièce, James Matthew Barrie accorde le droit de reprise, celui d'adaptations libres de l'histoire et de l'univers aux auteurs désireux de les développer ( des récits racontant des aventures de Peter Pan furent donc publiées par d'autres avant celui écrit par J.M.Barrie ).

- couverture de la première édition du conte en 1911-

Le texte de la pièce n'est finalement édité qu'en 1928 après avoir été maintes fois modifié et retouché par son auteur au gré des représentations. Dès 1929, il cède ses droits au premier hôpital pour enfants londonien ( le Great Ormond Street Hospital ).

James Matthew Barrie est né en Ecosse, neuvième enfant d'une fratrie de onze, en 1860. Sa mère, Margaret Ogilvy - à laquelle il consacrera un livre - lui transmet le goût de la lecture, des récits d'aventures et des mondes merveilleux. Elle sera aussi la cause de la souffrance fondamentale qui marque toute l'oeuvre de Barrie : son frère aîné David meurt d'un accident avant d'atteindre ses quatorze ans. Sa mère, profondément affectée par la disparition du fils prometteur et préféré, s'enferme dans la dépression et le mutisme, délaissant sa famille. James Matthew a six ans, il vient de perdre sa mère. Pour retrouver son attention et son affection, il entretient le souvenir du défunt frère, jouant littéralement son rôle, du port des vêtements à l'imitation des gestes et de la voix. Obsédant fantôme que cet enfant qui ne grandira jamais.

Après ses études à l'université d'Edimbourg, James Matthew Barrie débute une carrière journalistique et s'installe à Londres. Il écrit des nouvelles puis des romans, dont le Sentimental Tommy  ( 1896 - non traduit en français ) racontant l'histoire d'un homme refusant de devenir adulte, et des pièces ( dont - pour l'anecdote - Quality Street en 1902 qui donna son nom aux bonbons chocolatés apparus en 1936. Sur les emballages d'époque étaient représentés le héros et l'héroïne de la pièce ). Il croise Thomas Hardy, Rudyard Kipling, H.G.Wells, fréquente l'écossais Arthur Conan Doyle et entretient une correspondance avec R.L.Stevenson qui ne cessera qu'avec le décès de celui-ci en 1894.

En 1897, il rencontre et se lie d'amitié avec Sylvia Llewelyn Davies, mère de cinq garçons ( Georges né en 1893, Jack 1894, Peter 1897 puis Michaël en 1900 et Nicholas en 1903 ) avec lesquels James Matthew Barrie passe des heures à jouer dans les jardins de Kensington accompagné de son chien Terre-Neuve ( qui deviendra la chienne Nana dans Peter Pan ), inventant pour eux des histoires et des mondes imaginaires inspirés de l'Ile au trésor, de ses lectures de jeunesse : Walter Scott, Jules Vernes, les récits de voyages du capitaine Cook, les Indiens de Fenimore Cooper, le Robinson Crusoé de Defoe et autres robinsonnades en vogue.

- Sylvia Llewelyn Davies -

Ainsi sont nés Peter Pan, les Garçons Perdus, le Capitaine Crochet ( dont James Matthew Barrie prenait le rôle dans les jeux ), la géographie et les populations de Neverland.

- Première édition de 1911 illustrée par F.D.Bedford -

Et ce sera la création de l'album de photographies de 1901, ouvrage manuscrit n'existant qu'en deux exemplaires, l'un pour les parents des enfants, l'autre pour l'écrivain. Barrie y inscrit le nom de Peter, alors âgé de quatre ans, comme celui de l'auteur. En 1904, il leur dédicace sa pièce Peter Pan ou le garçon qui ne voulait pas de grandir.

- Michael Llewelyn Davies, six ans en 1906, joue à Peter Pan -

L'héroïne Wendy, quant à elle, doit son prénom, inventé par James Matthew Barrie, à la fille de son éditeur Margaret Henley. Ayant des difficultés à prononcer correctement le surnom affectueux de my friendly qu'elle donne à l'auteur, elle le déforme en my fwendy ou my wendy. En mémoire de cette petite fille décédée à l'âge de six ans, Barrie transforme l'expression enfantine en prénom.

En 1910, les garçons Davies, orphelin de père depuis 1907, perdent leur mère. Uncle Jim, déjà soutien financier de la famille et divorcé depuis 1909 de l'actrice Mary Ansell, devient le tuteur des cinq enfants, âgés de sept à dix-sept ans, qu'il élève comme s'ils étaient ses propres fils.

James Matthew Barrie subit le chagrin de perdre deux des garçons - George en 1915 tué lors des combats de la Première Guerre Mondiale, puis le jeune Michael qui meurt noyé en 1921 - avant de s'éteindre en 1937.

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Pour surprendre et émerveiller les enfants au matin, James Matthew Barrie exigea que la statue de bronze de Kensington Garden représentant Peter Pan à Neverland, réalisée en 1912 par sir Georges Frampton, soit installée durant la nuit.

- Dancing Round the Peter Pan Statue - Photographie de James Jarche - 1935 -

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Si la part autobiographique est fondatrice et indéniable dans la création de Peter Pan, s'il est vrai qu'il conserva longtemps l'apparence d'un jeune adolescent grimé en adulte et qu'il entretenait des relations ambiguës avec les femmes, James Matthew Barrie n'est certainement pas Peter Pan. Issu d'un milieu modeste, il devint un auteur estimé et respecté, salué par les grands écrivains de son temps, l'ami d'Arthur Conan Doyle. R.L.Stevenson lui écrivit qu'il le considérait comme un génie.

Généreux de la fortune qu'il devait à sa plume et de lui-même, il assumera plus que ses responsabilités, prenant soin de six enfants, les cinq garçons Llewelyn Davies puis le fils de l'explorateur Robert Scott dont il était le parrain- prénommé Peter en hommage -  qu'il accueillera en 1912 à la disparition de son père dans l'Antarctique.

- Premier billet sur l'interprétation du conte - ICI -

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