C'est folie que de vouloir faire pousser des fleurs dans les champs de lave islandais. Pourtant, alors que les parterres alentours ne sont qu'étendues stériles, la mère d'Arnljótur a élevé dans sa serre plants de tomates, roses, et autres plantes luxuriantes, etc. Arnljótur, qui a grandi, étudié et aimé à l'abri de cette zone humide, havre vert au milieu de beautés minérales -celles-là même qui furent le cimetière de sa mère adorée revenant de la cueillette des myrtilles-, décide de quitter l'île glacée pour travailler dans le Sud de l'Europe à la remise en état d'une roseraie ancestrale. Il n'embarque avec lui que quelques maigres boutons de roses à huit pétales, le pyjama démodé que lui ont offert son père octogénaire et son frère handicapé et la photo de sa fille, une enfant de sept mois qu'il a fait par inadvertance en un quart d'heure d'amour, simplement parce que les feuilles soignées en serre par sa mère se reflétaient en une jolie manière sur le doux ventre d'Anna. De ce bébé, il ne peut dire grand chose, si ce n'est pourquoi sa tête semble aussi stérile que les terres islandaises.
Rosa Candida est le récit d'un voyage initiatique accéléré au cours duquel, métaphoriquement et concrètement, son anti-héros, jeune homme à peine sorti de l'adolescence et Candide morderne, apprend à cultiver son jardin envers, et avec, les aléas de la vie. Par cette leçon de sagesse et de résilience, Audur Ava Ólafsdóttir, autrement historienne de l'art, démontre au lecteur, avec douceur et humour, comment des étendues les plus inadéquates peuvent naître, à force de travail et de patience, les plus beaux spécimens.
Rosa candida, Audur Ava Ólafsdóttir, sept. 2010, Ed. Zulma, 332 p. 20 euros.
« — Rosa gallica, rosa mundi, rosa centrifolia, rosa hybrida, rosa multiflora, rosa candida, énumère frère Matthias.Tandis que je le parcours avec lui, « Le Merveilleux Jardin des Roses Célestes », tel qu’il est nommé dans les vieux livres, prend corps peu à peu dans mon esprit. Il va falloir commencer par arracher les mauvaises herbes et tailler les plantes — ce qui pourrait prendre deux semaines en travaillant dix heures par jour ; ensuite il faudra élaguer et planter à nouveau. Je choisis déjà un endroit abrité et ensoleillé pour la nouvelle espèce de rose que je vais ajouter. Elle ne sera peut-être pas très visible au début et ne fleurira pas tout de suite, mais ici sont justement réunies les conditions et la lumière pour qu’une nouvelle variété de rose inconnue se mette à pousser dans le terreau fertile. Il n’est pas possible de s’en remettre plus longtemps aux fioles de l’hôpital, on ne peut cultiver éternellement la vie dans du coton. »