Lorsque j’étais oiseau
J’ai grimpé dans le karaka
Pour atteindre un nid fabriqué de feuilles
Mais doux comme un duvet.
J’ai inventé une chanson sans paroles
Qui s’est prolongée d’elle-même,
Ne devenant triste que vers la fin.
Des pâquerettes poussaient dans l’herbe au pied de l’arbre.
Pour les mettre à l’épreuve, je leur ai dit:
«Je vous couperai la tête et la donnerai à manger
A mes petits enfants.»
Mais elles refusèrent de me prendre pour un oiseau
Et restèrent grandes ouvertes.
Le ciel était comme un nid d’azur aux plumes blanches
Et le soleil était la mère oiseau qui le réchauffe.
Voilà ce que disait ma chanson sans paroles.
Le petit frère remonta l’allée en poussant sa brouette.
De ma robe je fis des ailes et restai immobile.
Quand il s’approcha, je criai: «Twit, twit…»
Un instant, il eut l’air étonné,
Puis il me dit: «Allons, tu n’es pas un oiseau;
Je vois tes jambes.»
Que m’importaient les pâquerettes?
Et que m’importait le petit frère?
Je savais bien, moi, ce que j’étais.
***
When I was a bird
I climbed up the karaka tree
Into a nest all made of leaves
But soft as feathers.
I made up a song that went on singing all by itself
And hadn’t any words, but got sad at the end.
There were daisies in the grass under the tree.
I said just to try them:
« I’ll bite off your heads and give them to my little children
to eat ».
But they didn’t believe I was a bird;
They stayed quite open.
The sky was like a blue nest with white feathers
And the sun was the mother bird keeping it warm.
That’s what my song said: though it hadn’t any words.
Little brother came up the path, wheeling his barrow.
I made my dress into wings and kept very quiet.
Then when he was quite near I said: « Sweet, sweet ! »
For a moment he looked startled;
Then he said: « Pooh, you are not a bird; I can see your legs ».
But the daisies didn’t really matter,
And little brother didn’t really matter;
I felt just like a bird.
(Katherine Mansfield)