Qu'elle ne fut pas ma surprise de découvrir par la lecture d'un article de journal que j'étais un "anti-Lumières". J'étais d'autant plus surpris que jusqu'alors sans m'en réclamer je pensais appartenir à cette mouvance de fond de l'esprit.
Pour à votre tour savoir si vous êtes pro ou anti Lumières, on répondra à ces questions, tirées textuellement de l'article évoqué ci-dessus ( Le Monde Diplomatique - Anit-Lumières de tous les pays..." - Zeev Sternhell ) :
- une société représente-t-elle un corps, un organisme vivant, ou seulement un ensemble de citoyens?
- Une communauté nationale se définit-elle en termes politiques et juridiques ou bien en fonction d'une histoire et d'une culture?
Les anti-Lumières répondent dans le sens de l'organique et moi-même je suis de ceux-là.
Pour approndir un peu, j'extrais quelques passage du même article :
"Pour la pensée politique représentée par le puissant et tenace courant anti-Lumières, l'individu n'a de sens que dans et par la communauté, il n'existe que dans le particulier concret et non dans l'universel abstrait."
Pour les Lumières par contre dans l'Encyclopédie de Diderot et d'Alembert :
"une quantité considérable de peuple, qui habite une certaine étendue du pays, renfermée dans de certaines limites, et qui obéit au même gouvernement."
et l'auteur de l'article d'ajouter :
"Pas un mot sur l'histoire, la culture, la langue et la religion : c'est ainsi qu'est venu au monde le citoyen affranchi de ses particularités."
et encore :
"Cette conception de la nation, il convient de le préciser, n'exprimait pas une réalité sociologique ou culturelle, mais représentait l'effort héroïque des penseurs des Lumières pour dépasser les résistances de l'histoire, libérer l'individu des déterminismes de son temps, notamment de la religion, et affirmer son autonomie."
Où on voit que les Lumières sont la projection sur l"homme du transcendant, projection dénoncée par René Guénon.
Puis pour marquer l'opposition entre les 2 courants :
[...] dans la pensée des Lumières, le bien de l'individu constitue l'objectif finale de toute action politique et sociale. En revanche, pour les anti-Lumières des XIX ème et XX ème siècles, la communauté a préséance sur l'individu, défini avant tout comme héritier du passé : nos ancêtres parlent en nous, nous sommes ce qu'ils ont fait de nous.
J'admets qu'il y a quelque chose de désuet à avoir une perception anti-Lumière de l'individu en ces jours où la seule communauté qui reste et qui mérite à peine ce nom est celle de la masse des consommateurs, une simple collection de personnes centrées sur elles-mêmes, dont le dessein unique est d'amasser du bien matériel à outrance, vouant un culte aux fausses perpesctives transcendantes de subsitution que sont Progrès et Commerce (des Idoles).
Mais qu'on ne s'y trompe pas, aucune des visions n'a aujourdh'ui franchement le dessus : nous sommes des citoyens (vision des Lumières) marqués par l'histoire, la terre, la langue (vision anti-Lumière). Que les groupements humains tendent à une unimorphisation de leurs qualités, cela paraît clair : les désirs des uns sont devenus les désirs des autres. Il y a quelque chose de pitoyable à voir des sociétés - qui ne sont pas seules à blâmer - jusque là traditionnelle détruire activement avec empressement, avidité même, leur identité propre pour lui substituter ce non-être que l'Occident diffuse à travers la planète, non-être qui scie sans doute à la nature propre de l'Occident mais qui pour d'autres ressemble à une aliénation ( raisonnement à approfondir, ambigu... ).
Notre société qui a quitté les rivages de la Tradition ( cf René Guénon ) navigue dans les eaux troubles du nihilisme : zone de transit où s'affrontent Lumières et anti-Lumières (ne pas confondre avec Ténèbres). On ne sait dire sur quels rivages elle va échouer.
L'anti-Lumière est la fonction, les Lumières en sont sa limite - d'où je cite "l'effort héroïque (*) des penseurs des Lumières" - pour reprendre une terminologie propre aux mathématiques.
(*) même si la figure du héros est foncièrement anti-Lumière à mon sens.
Billets en référence à ce contenu: René Guénon - Critique du Monde Moderne