Les Etats-Unis nous semblent parfois si lointains… Qui pourrait, en France, dire : "The average IQ of Americans is lower (que celui des pays asiatiques) because of our large black and Hispanic populations, which have lower average IQs than whites and Asians."? Le Pen peut-être.
Or l'auteur de cette phrase n'est ni un bloggeur extrémiste ni un membre du tea party. C'est un intellectuel de haut-vol, un juriste et économiste de grande réputation, l'un des acteurs intellectuels du tournant conservateur de la politique américaine (il est de ceux qui ont le plus contribué à déconsidérer les lois antitrust) : Richard Posner.
Cette phrase apparait dans le blog qu'il partage avec un autre intellectuel conservateur de haut-vol, GaryBecker, prix Nobel d'économie 1992. Ils y bavardent, y échangent des idées et commentent l'actualité. Leur thème est, cette fois-ci, la dernière livraison de l'enquête Pisa (Program for International Student Assessment) qui compare les performances des étudiants dans le monde et classe, une nouvelle fois, les Etats-Unis loin derrière la Corée, la Finlande, le Canada ou le Japon. Tous deux tentent d'expliquer ces écarts. Becker explique que le système scolaire américain met en avant la créativité des enfants, ce qui contribue à faire des Etats-Unis un pays qui innove beaucoup mais n'aide pas à avoir de bons résultats dans ce type de test. Richard Posner met, lui en avant, le QI. QI et résultats scolaires sont, dit-il en substance, corrélés. Si les Etats-Unis ont des résultats médiocres, c'est qu'ils ont une populations hétérogène, avec des minorités importantes, noires et hispaniques, qui ont un QI relativement faible, ce qui fait diminuer la moyenne.
Il appuie sa démonstration sur les travaux de Richard Lynn and Tatu Vanhanen, les auteurs d'une très controversée comparaison internationale des QI : IQ and Global Inequality.
Richard Posner prend naturellement de nombreuses précautions. "IQ is understood to reflect both genetic endowment and environmental factors, particularly factors operative very early in a child’s life, including prenatal care, maternal health, the educational level of the parents, family stability, and poverty (all these are correlated, and could of course reflect low IQs of parents as well as causing low IQs in their children)." Et il semble en conclure à l'instar de James Heckman, un économiste spécialiste de ces questions, qu'il faudrait que les enfants des familles au QI faible soient au plus tôt pris en charge par la collectivité. Ce n'est donc pas un raciste comme le serait probablement le français qui prononcerait la même phrase. Mais à aucun moment, il ne s'interroge sur la validité du QI et de la classification ethnique de la population.
Que mesure effectivement ce test? Et comment le mesure-t-il? Comment sont acquises les compétences qui font les bons scores dans les tests d'intelligence (quel est, par exemple, le rôle de la lecture précoce dans le développement du QI, question que se pose Keith E. Stanovich de l'Université de Toronto?) Est-ce que cela a le moindre sens de distinguer les noirs des hispaniques? les juifs des non-juifs? alors même que les populations se sont depuis des siècles mêlées? Que valent ces catégories ethniques? comment sont-elles élaborées? Qu'en est-il de la variance du QI dans ces différentes catégories?… Il ne se pose aucune de ces questions qui nous viennent naturellement à l'esprit. Les dernières étant sans doute celles qui nous distinguent le plus des Américains. Nous nous méfions comme de la peste des catégories ethniques. Pour des raisons idéologiques (crainte du racisme et du biologisme), mais aussi épistémologiques (que valent ces classements? Où mettre un métis, du coté de son père ou de sa mère?). Ils font partie de la boite à outils des intellectuels américains qui n'y voient pas malice au risque de raisonner de travers.