Le tirage doit, à l'heure qu'il est, approcher le million d'exemplaires. Et, comme toujours dans ce type d'emballement généralisé, il repose en grande partie sur un malentendu.
Car Stéphane Hessel, vieux monsieur très digne qui affiche ses 93 ans («C'est un peu la toute dernière étape», écrit-il), n'était pas prédestiné à une telle fête au soir de sa vie. Il lui a suffi (si j'ose dire) d'une vingtaine de pages qui seraient passées inaperçues dans un magazine pour qu'un éditeur pense à les brocher sous forme de livre et que la machine démarre...
Serions-nous entrés dans un temps où la nécessité de l'indignation deviendrait plus urgente qu'à d'autres époques? Stéphane Hessel a-t-il appuyé, sans le savoir - mais avec la force de son expérience et de sa conviction -, sur le bon bouton, celui qui allait déclencher une prise de conscience collective?
A dire vrai, je ne sais pas. Il n'est pas mal, cet opuscule. Mais je n'y ai pas trouvé ce qui pouvait remuer les foules. Peut-être ai-je réussi à préserver mes propres indignations et n'ai-je pas besoin qu'on me pousse à le faire savoir? Mais il ne me semble pas que les gens, autour de moi, soient si différents...
Alors? Ben, alors, je n'ai pas d'explication. Le succès va où il veut, après tout...