Mais que dit-il de nous-mêmes ? Telle est au fond la question qui motive toutes les autres. Que révèle-t-il de notre nature qui nous échapperait encore ? Je sens bien qu'il n'exprime pas seulement la tendresse, le contentement, la reconnaissance ou la grâce d'une politesse : il s'ouvre, il ouvre le visage, il écarte la chair ou la soulève comme un voile, il la fend pour en laisser paraître, en un rapide éclair, le fond secret, insaisissable, ce qu'il y a en chacun de nous de moins dicible.
On songe alors à ces larges trouées, parfois, qui nous surprennent dans un paysage, ou à ces clartés soudaines dans les ciels troubles et mouvants. Il y a quelque chose de la nature de l'horizon, sur ces lèvres qui s'étirent, quelque chose comme un lointain qui s'approche et prend corps en tremblant - je ne sais, comme une grâce bouleversante, une bonté tenue en réserve, auxquelles on ne croit pas assez, et qui viennent fleurir là, irradiant tout le visage.
Je te regarde, je te contemple. Est-ce une fontaine du bord de tes lèvres, est-ce la transparence et la pureté de l'eau que je reconnais là, aussi insaisissable que le reflet d'un sourire à la surface de la chair ? Non, c'est l'azur qui s'éclaire, un ciel qui remonte et grandit, un ciel venant de si loin en toi qui ne diras jamais plus, jamais mieux que ce sourire.
PHILIPPE MAC LEOD est écrivain et a publié plusieurs recueils de poésie. Son dernier ouvrage, D'eau et de lumière, est paru aux éditions Ad Solem. (source : La Vie)