Les derniers jours d'une friche artistique

Publié le 08 janvier 2011 par Desartsonnants

NOSTALGIE ET COLÈRE,

NECROLOGIE

UN BEAU ET GRAND LIEU DE CRÉATION DISPARAIT A LYON

C'est un lieu auquel j'étais très attaché, comme tous ceux qui ont eu la chance de le connaître, et surtout de le fréquenter.

C'est un lieu où j'ai rencontré beaucoup de personnes passionnées et passionnantes, où les expériences étaient à portée de mains, avec l'espace pour tenter parfois les rêves les plus fous,  mais aussi de plus petites choses, modestes mais inventives, à l'échelle humaine, au gré des affinités.

Un lieu magnifique, spendide, une architecture industrielle conservée en l'état, avec des proportions hors du commun, des espaces superbement photogéniques !

Aujourd'hui plus d'images et de textes que de sons, mais tant pis, une fois n'est pas coutume...

Des photos

D'autres photos

Et puis là aussi, en vrac

Et encore

Il disparaît de façon précipité, presque tragiquement, et dans un grand flou qui laisse nombre de questions en suspend, ce que n'arrange pas la gestion pour le moins incohérente, voire inconsistante de la ville de Lyon.

La Friche artistique RVI vit ses derniers jours à Lyon

ARTICLE DE LIBÉRATION LYON - RUBRIQUE CULTURE -

Postés à l’entrée de la Friche RVI, une quinzaine de policiers municipaux filtrent les entrées tandis que d’autres patrouillent dans les travées de cet espace de plus de 25 000 m2 jonché de matériaux de récup’, de sculptures, tableaux, yourtes aménagées et autres bus bariolés. Plusieurs heures par jour, les artistes qui travaillaient dans cette friche dédiée à la culture alternative ont la possibilité, en montrant patte blanche, de venir récupérer leurs affaires. Des dizaines de personnes s’activent avec fébrilité. Il faut faire vite. Au 15 janvier, le site sera fermé. Ainsi s’achèvera une aventure culturelle alternative d'une ampleur exceptionnelle.

Tout s’est précipité avec l’incendie, fin décembre, d’une portion de 2 000 m2 de la friche. Alors que les artistes avaient obtenu du Tribunal administratif de Lyon un sursis de six mois pour quitter leur lieu de travail – qui est aussi un lieu de vie pour certains – le maire de Lyon a signé au lendemain du sinistre un arrêté municipal ordonnant la fermeture totale et anticipée du site pour raisons de sécurité. Les artistes sont écœurés. Il se murmure partout que cet incendie, dont la cause n’a pas été identifiée, tombe décidément à point nommé. Et à aucun moment ils estiment avoir été traités comme des sinistrés. « Derrière les pompiers, il y avait une colonne de CRS » rapporte un frichard particulièrement furibard. « Nous sommes les victimes de cet incendie, mais personne ne s’est soucié de notre devenir » poursuit un autre.

Les frichards - qui furent jusqu'à 400 sur le site - savaient bien qu’ils devraient quitter ce lieu exceptionnel. Et cela, dès la signature de la convention avec la Ville de Lyon, en 2003, qui leur a permis de passer du squat à l’occupation temporaire. Ils ne contestent pas leur départ mais les circonstances de celui-ci. Ils regrettent l’« incompétence » des services et élus de la Ville, qui s’étaient engagés à les relocaliser mais n’ont proposé, tardivement, qu’une friche de 3 500 m2 rue Lamartine (lire).

Certes, le bâtiment est mis gracieusement à disposition des artistes, et ce n’est pas rien. Mais plus exigu, abritant des volumes plus contraints, il est en étage – or le monte-charge est en panne - et ne dispose pas de parkings. Pour beaucoup, notamment les plasticiens, cela pose un problème de stockage et d’acheminement des œuvres et matériaux. « C’est au mieux un endroit pour se retourner, mais pas plus » confie l’un d’eux. Les conditions d’accès, heures d’ouvertures et règlements sont aussi bien plus rigides. « Comme si cette ville ne pouvait plus assumer qu’une alternative culturelle puisse s’y mouvoir librement » estime un frichard.

« C’est petit ! » résume un artiste qui déplore la frilosité et le manque de reconnaissance de la Ville pour leur travail.  « Plus que du mépris, c’est à tout le moins une méconnaissance de ce s’est fait ici : créer, rassembler les gens, essayer de transformer la société » poursuit-il.

Beaucoup d’artistes sont dépités. Une quarantaine, sans solution de repli, s’obstinent à squatter le parking devant la Friche, bravant le froid et le vent. Ils avaient proposé le maintien d’une activité artistique sur une portion du site voué à devenir un campus de l’alternance avec écoles de formation, logements, jardin et stade. Ils continuent à défendre l’idée d’une friche culturelle libertaire et se désolent que leurs camarades aient capitulé si facilement pour le bâtiment Lamartine. « Ils ont accepté de jouer les sardines dans un truc pas viable » juge l’un d’eux.

Mais à l’exception de cette frange d’irréductibles, les autres frichards sont plutôt beaux joueurs. Ils évacuent leurs affaires dans le calme et commencent à fraternises avec les policiers municipaux qui, eux, découvrent avec étonnement les impressionnants tags et le bric-à-brac bordélique et créatif qui envahit l’ancienne usine Berliet. L’amertume fait déjà place à la nostalgie.

« Ce lieu nous a permis de grandir, de créer plusieurs spectacles, de tisser des liens avec d’autres artistes » reconnaît un musicien, Louis Cahu, qui a construit à la friche RVI une petite cabane facile à chauffer qui sert de bureau, une yourte en guise de salle de répétition et deux plateaux de 100 et 40 m2. « C’est dommage que ça finisse de façon aussi trash, mais on a quand même eu une chance incroyable d’avoir pu disposer de ce lieu » estime Enzo Graftieaux, directeur d’Art Gens.

Installée à la Friche RVI depuis 2003, l’association a développé une action de sensibilisation par l’art à la problématique des déchets qui emploie aujourd’hui 6 personnes et propose les services d’une cinquantaine d’artistes. Au fil des années, Art Gens a constitué une « déchethèque » de 300 m3 matériaux de récup à destination des projets artistiques, des écoles ou des particuliers.

« En terme de logistique, c’est une montagne à déplacer » estime Enzo Graftieaux qui a prévu de lancer un appel à tous les bénévoles de l’association pour charger le semi-remorque la semaine prochaine. Direction Villeurbanne ou Art Gens va investir un bâtiment à loyer modéré de 600 m2* que l’association est en train de négocier à un privé. In extremis. D’autres seraient encore en recherche de solution, comme l’Atelier de réparation de vélos Le Chat perché.

Anne-Caroline JAMBAUD

07/01/2011

* Contrairement à ce qu'avance l'article, rien n'est encore vraiment entériné dà ce jour.