La galette des rois renferme un trésor : l'épaisseur du temps

Par Victor Vieilfault @Vic_Vieilfault

Il est donc de coutume en France de partager la galette des rois à l'issue d'un bon repas du mois de janvier. On prend soin de couper la galette sans passer le couteau sur la fève; on envoie le petit dernier de la table dans les pieds des convives; un fils s'active en cuisine pour préparer les couronnes. Et surtout, on se délecte du feuilleté au parfum de frangipane. C'est bon, et chaque français communie à une même tradition. La galette des rois s'incruste tous les ans dans nos estomacs, distillant très discrètement la sédimentation des siècles dans nos âmes.

Saviez-vous que cette tradition remonte aux romains ? Que c'était une des composantes de la fête des Saturnales qui consistait durant un temps à inverser les rôles ? L'esclave se voyait ainsi offert le privilège de devenir le roi d'une journée en tombant sur la fève. Une occasion de renforcer les liens entre les différentes hiérarchies des communautés de vie.

Comme elle en a pris l'habitude depuis ses origines, la tradition chrétienne n'a fait qu'ajouter le levain de la foi à cette pratique païenne. Plutôt que d'abolir les anciennes traditions pour en inventer d'autres porteuses de sens métaphysique, les chrétiens ont choisi de s'appuyer sur la culture populaire pour distiller le message du Christ. Ils ne font par là que reprendre les intuitions de Jésus-Christ qui a passé son temps sur la terre à parler aux hommes à l'aide des signes visibles de la nature et de la culture.

C'est ainsi que la figure des roi-mages est venu s'associer à celle de la galette pour célébrer le retour de la lumière dans le monde embrasée par la fête de Noël. En partageant cette galette après la célébration de la naissance du sauveur du monde, les chrétiens ont souhaité importer dans chaque foyer des symboles simples parlant au coeur, à l'esprit et à... l'estomac ! Habile manière de faire passer le message :)

Le petit enfant sous la table rappellera désormais le "roi des juifs" qui se fait tout petit parmi les hommes; la part laissée restante sera la "part de dieu" ou la "part du pauvre"; et la couronne rappellera à celui qui sera tombé sur la fève que le Dieu des chrétiens considère chaque homme comme un roi !

Tout doit crier Dieu. Sinon, le Ciel serait bien lointain et peut être même inutile pour l'épanouissement de l'homme...