Le
pays de l'absence
de Christine Orban
Albin Michel (janvier 2011)
176 pages
Résumé
"Minuit. Tandis que je travaille, tu as fait irruption dans mon bureau traînant une couverture, un pull panthère noué autour du cou sur ta chemise de nuit rose pâle pour me dire que tu
as froid. Je te raccompagne dans ta chambre. Tu es si frêle, je n'ose même plus poser une main sur ton épaule de peur de te bousculer. Tu avances un pied devant l'autre, centimètre par
centimètre... J'ignorais que la fin ressemble au commencement, que les mamans finissent par devenir des enfants, que les plus aguerries d'entre elles, celles qui furent avocates ou femmes
d'affaires se recroquevillent un jour et ne savent parfois même plus marcher. Jamais je n'ai eu l'impression d'avoir un appartement aussi grand, le chemin n'en finit pas. »
Et si un jour nous devenions les parents de nos parents ? Si irrémédiablement, les rôles s'inversaient avec le temps ?
Mon avis
Je n'avais pas encore eu l'occasion de lire d'ouvrage de Christine Orban . Ce fut donc une très agréable surprise lorsque j'ai découvert son dernier roman Le pays de
l'absence , dans ma boite aux lettres ( et j'en remercie les Editions Albin Michel et Gilles Paris,
chargé de la promotion de ce livre)
Même si ce livre est classé dans la catégorie fiction, on est ici très proche du registre autobiographie . LA narratrice nous parle de sa mère de 73 ans, atteinte de ce que l'on suppose
être la maladie d'Alzheimer, même si elle n'est pas clairement nommée. Habitant au Maroc, celle-ci vient passer quelques jours chez sa fille à ¨Paris pour les fêtes de Noël.
"-J'ai ramassé un petit animal dans la rue, à moitié mort, il se réfugiait sous une voiture...// Il faut que je l'emmène chez le médecin"
- Mais maman, c'est un animal en peluche...!!
Voici les un résumé des premiers mots échangés entre la mère et la fille dès l'arrivée de la première à Paris
La fille comprend que quelque chose ne tourne pas rond.
"Maman est devenue folle? Je suis désemparée. Un instant, j'hésite à lui parler, à la ramener dans la vie réelle. Les larmes me montent aux yeux, je n'ai pas vu maman depuis trois mois, une amie m'avait prévenue que cela n'allait pas fort, mais qu'est-ce que cela veut dire "cela ne va pas fort", au téléphone? Mis à part les mêmes incohérences, rien de nouveau n'était à signaler. Maman?"
La mère vit dans ce "pays de l'absence" , où elle s'enferme chaque jour un peu plus, titre poétique pour cette réalité difficile.Elle ,ne sait plus où elle est, perd la notion du temps.
Elle pose inlassablement les mêmes questions et ne retient pas les réponses, et semble se désintéresser de tout.
"En fait , tu n'aimes rien vraiment, c'est ton naufrage et ton sauvetage à la fois. Ta prison et ta liberté. Tu n'as besoin de personne . Tu t'es débarrassée du besoin d'aimer .Peut-être même
de celui d'aimer " .
Au fil des pages,on se rend compte de la difficulté à comprendre cette régression , et inverser les rôles:devenir la mère de sa mère. C'est aussi l'occasion pour la fille de faire le bilan
de ses relations avec sa mère, un état des lieux qui se devrait être sans concessions pour "sortir du mensonge de la maman idéale et l'accepter" comme dit Christine Orban dans une interview. Et
devenir la mère de sa mère lorsque sa mère n'a jamais été une vraie mère, la tâche en est encore plus difficile.
Un livre aux accents autobiographiques, intimes, presque un témoignage tant les mots sonnent juste. J'ai ressenti beaucoup de tendresse même dans les moments d'agacement , (et Dieu sait que
cette maman peut parfois l'être ce qui donne des scènes parfois drôles), Une écriture sensible mais pas larmoyante, , des paragraphes courts, des phrases brèves, j'ai ressenti une certaine
urgence derrière la pudeur de l'auteure. Christine Orban aurait du reste écrit ce livre en quelques jours .
C'est donc pour moi une très belle découverte, un livre qui m'a émue de par son thème qui peut tous nous toucher et une écriture que j'ai particulièrement aimée. Et je vais lire d'autres
ouvrages de cette Christine Orban, c'est certain
L'auteure