Bonjour aux romancier(e)s français(es)
Bonjour au lectorat international
Bonjour aux zotres
A noter : la couverture du livre représente Frédéric Beigbeder himself, peint par une artiste qui sera assassinée par son mari quelques temps après avoir réalisé ce portrait.
Mon fidèle lectorat le sait, on ne peut me soupçonner d’anti-beigbedisme primaire dont j’ai déjà lu et aimé 4 romans (disons 3) et un recueil de nouvelles. J’ai même écrit de très gentilles choses à propos de cet auteur parfaitement en prise avec son époque, de son ton désabusé, de son autodérision lucide, de son incomparable sens de la formule. Ce que j’ai notamment apprécié chez Frédéric Beigbeder, c’est qu’il n'avait pas de prétentions littéraires, qu'il avait conscience de ses limites et ne se prenait donc pas pour un écrivain… enfin… jusqu’ici.
Le sujet
Frédéric Beigbeder, sa famille, son enfance et sa garde à vue.
Mon avis
On a pu lire ici ou là que ce livre était le meilleur de l'auteur. Je suis trèèèèès loin de partager cet avis. Pour moi c'est de loin le plus mauvais et le fait qu'il ait eu le prix Renaudot 2009 me plonge dans un abime de perplexité navrée proche de la sidération.
Un roman français. Rien que ça ! Dès le titre tout est dit. Ca sonne vieux, ça claque comme du d’Ormesson, comme du postulant à l’immortalité en habit vert sous coupole (sous cloche pour meilleure conservation ?). Ca dégouline le narcissisme complaisant et, alors que ce n’est absolument pas un trait de caractère inédit du personnage, c’est la première fois qu’il me gêne dans un de ses livres (lors de ses apparitions télévisuelles ou publiques c’est un autre débat). Ca suinte l’ambition littéraire et le problème est que Beigbeder n’a ni la plume, ni la culture, ni la matière pour celle-ci.
Certes, le roman se lit vite et sans désagrément mais cela ne suffit pas à éviter l’ennui. Certes, l’auteur est loin d’être un imbécile décérébré mais cela ne garantit pas la profondeur et la densité. Certes, Beigbeder n’est pas le/la premier(e) à se regarder le nombril et à écrire à la première personne du singulier mais certain(e)s parviennent à donner à leur histoire personnelle une dimension universelle (tiens, au hasard, tout Ernaux, le dernier Carrère), Beigbeder n’y parvient jamais. Bon, je rectifie : « quasiment jamais », les très rares exceptions se limitant aux quelques paragraphes où il évoque sa fille. Si ces passages fonctionnent c’est paradoxalement (ou pas) parce que ce sont ceux où il se regarde le moins écrire, ce sont les plus intimes, les plus impudiques mais les moins narcissiques car les moins fabriqués. Le reste du temps est partagé entre l’auto-analyse geignarde et l’apitoiement victimiste. Ca pourrait donner à peu près ce qui suit.
Snif, je suis un pauvre adulescent riche qui n’a aucun souvenir de son enfance dorée et c’est sûrement pour ça que j’écris (ben soit mais pourquoi publier ?). Re-snif, je complexe par rapport à mon frère si beau, si intelligent, si parfait et c’est pour ça que je fais n’importe quoi n’importe comment avec n’importe qui n’importe où. Trop méga-hyper-snif-injuste, j’ai fait de la garde à vue (moi ! Vous vous rendez compte ?), tout ça parce que seulement j’avais rien fait de grave que juste me taper un rail de coke sur un capot de bagnole dans la rue avec un pote juste pile-poil manque de bol au moment où des flics passaient et moi, voyez-vous, je ne cours pas vite.
Bon, j'ai hyper mal dormi mais quand même, reconnaissons que y’a du bon. Hop hop hop, ça me met illico dans la liste des victimes du système, de ceux qui savent de quoi ils causent quand ils parlent prison, conditions inhumaines, horreur de la geôle et en plus, juste parce que je suis connu, on m’en a fait vachement plus baver que les zotres.
Ca me fournit un côté bad boy sans doute pas dégueu pour chopper de la belette (et j'aime que les filles m'aiment), ça fait parler de moi dans la presse (et bon, avouons que j’aime ça et que je suis plutôt doué pour ce sport), ça me donne une idée de bouquin à bon compte et surtout, comble du luxe, mieux que la légion d’honneur (qu’on vient de donner à mon frangin mais qu’un incapable comme moi n’accrochera jamais à son revers Hugo Boss), ça me classe illico dans la catégorie des auteurs maudits et rebelles, que je ne me retiens pas de citer complaisamment à diverses reprises. Eh oui, carrément, je n’hésite pas, je me compare à Villon, Wilde, Genet, Sade, Soljenitsyne, Voltaire et plein d’autres ! La liste n'en finit plus ! Elle me grise. J'adore cette cohabitation flatteuse, j'en ronronne d'aise. Pourquoi je me gênerais ? sont morts !
A croire qu’il a appris tout Wikipedia par cœur… Que du beau monde, du carré VIP de la taule, du happy few de l’incarcération plumitive. Je ne me souviens pas mais j'espère qu'il n'a pas oublié Semprun qui, lui, ne ferait pas tâche dans cet inventaire même s'il est heureusement encore bien vivant. Mais sauf erreur ou omission de ma part, Beigbeder ne joue pas vraiment dans la même catégorie que les auteurs auquel il s’associe sans complexe. Ni côté talent, ni côté motif d’incarcération. A ce que je sache, Beigbeder n’a été embastillé ni injustement, ni pour le courage de ses idées ou de ses actes, pas même pour un truc affreusement dégueulasse façon ennemi public n°1 imprévisible, dangereux et vicieux (ça, à la limite, on peut lui accorder...). Il a passé 2 nuits à salir son cashemere en claquant des dents dans un endroit humide et puant. So what ? Il n'est ni Mandela, ni Mesrine, ni Al Capone, ni Henri Charrière alias Papillon. Il a juste été trop lent pour ne pas se faire attraper en plein flagrant délit de farinage nocturne de museau.
Pas glorieux. Dès lors ce qui domine à la lecture de ce roman c’est un double sentiment d’agacement et de ridicule, ridicule auquel il n'a d'ailleurs pas échappé un certain 23/09/09 lors d'un Litterary death match organisé au Reservoir auquel il participait aux côté de Razane, Monnehay et Jaenada (irrésistible lecture de la scène de l'Hyppopotamus de Plage de Manaccora 16h30). Frédo la star était sensée débuter la soirée et lire un passage de son roman français, mais il est arrivé en retard (de 2 heures ?), sans son bouquin qu'il a qualifié de merde (je suis finalement moins sévère que lui) quand une groupie lui a tendu son exemplaire. De toute manière, la lecture était ce soir là une activité hors de sa portée : visiblement au dessus de ses moyens pour cause d'ébriété (avouée) et au dessous de ses ambitions en matière d'improvision. Cette dernière s'est avérée pitoyable, limite pathétique, entrecoupée de ces rires niais et solitaires que provoque parfois l'excès d'alcool. Ca m'a saoulée.
De Beigbeder lisez plutôt
Nouvelles sous extasy sauf si vous avez plus d'une demie-heure devant vous.
99 francs sauf si vous préférez le titre 6 euros.
Vacances dans le coma sauf si vous ne sortez jamais après 18h00.
L'égoïste romantique sauf si vous êtes allergique au name dropping.
et surtout L'amour dure 3 ans sauf si vous venez de convoler.
Conclusion
Un roman français, certes, mais parfaitement dispensable.
Accessoirement, j'adore cette hilarante critique de Didier Jacob dans le Nouvel Obs trouvée via Wrath