Internet a vu fleurir de nombreuses initiatives visant à se substituer aux maisons de disques. « My major compagny » a mis ainsi en place un système permettant aux internautes de miser sur des inconnus dont ils peuvent entendre le travail, afin de contribuer à la production de leur futur album et d’en être les co-producteurs. Une architecture pas idiote, mais pas vraiment innocente, puisque qu’elle révèlein fineque les créateurs de cette start-up ne rêvent que d’une chose : diriger une major et transformerde factoles internautes en petits porteurs capitalistes. Rien de bien neuf…
Ce qui l’est, en revanche, c’est l’entrée dans cette danse contemporaine d’un partenaire qui s’invite à pas de loup pour mieux récolter les fruits d’un champ qu’il n’a pas cultivé. « My major compagny books » propose ainsi à ceux qui le désirent de financer un futur grand écrivain auquel ils croient après lecture de leur manuscrit. On passe de l’édition à compte d’auteur à l’édition à compte de lecteurs. Pourquoi pas. Mais dans le cas de My major compagny, c’est une grande maison d’édition, XO, qui prend le relais, imprime et distribue l’ouvrage, faisant reposer sur le lecteur l’essentiel du métier d’éditeur : le choix de l’auteur. On sait que de ce chapeau sortira plus certainement un Marc Levy qu’un Jean Echenoz. Pourtant, ce n’est pas le plus regrettable.
Faire reposer sur le lecteur le choix artistique, c’est gommer ce qui fait le cœur du métier d’éditeur, c’est faire croire que ce choix est à la portée de tout le monde, qu’il ne s’apprend pas, ne se travaille pas, s’improvise à coups de dizaines d’euros misés sur un auteur comme sur un cheval à Longchamp.
Notre société se construit là-dessus, désormais. La croyance en la simplicité. La photo ne s’apprend plus, elle se prend, en numérique, par milliers, que l’on range dans des dossiers sans même les regarder. C’est le revers de la technique, qui a tué l’art et les artistes au profit des industriels et des amateurs.
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