[1ère Partie] ... Aux anges, que j’étais, quasi ému. Quand je l’ai vu, dis, le sujet : la pluie. Même que j’ai gardé le document, comme un trophée, une relique ... Attends, que je te le sorte. Bouge pas .. Voilà .. C’est du polycopié certifié .. Mercredi 4 mai 1977 .. à 8 heures 30 … Durée : 2 heures .. Coefficient (Section C) : 3 .. Un texte d’Alain. Très court. 13 lignes … « Sous La Pluie » qu’ils l’avaient intitulé .. Un extrait de Propos Sur Le Bonheur qu’il était précisé, souligné .. Aucune hésitation, dis, d’emblée, hop ! la deuxième proposition, que j’ai prise : « Décrivez, en une page au plus, une rue sous la pluie » … Comme ça fusait ! j’avais qu’à les égarer, mes lampions, les laisser partir, divaguer, et tout, je revoyais tout, la solitude, les carreaux, le ciel, tout ... Combien que j’ai eu ? … La note ? Le nougat. Je sais pas. Un concours que c’était. Les notes, ils les donnent pas. Jamais. T’es reçu, 8 sur 100, ou tu l’es pas. C’est tout. Après tu pars, tout tu quittes, tes vieux, ta petite sœur, ta chambre, tout ... Parce que la pluie, tu l'as saisie. Tu sais pas, pourquoi, d’où ça vient, c’est comme ça. A peine quinze piges, et c’est la pluie. C’est elle qui te la fait galoper, l’imagination ; elle qui t’emmène, loin. Plus jamais revenir …
Aujourd’hui, c’est pas, c’est plus la pluie.. Non .. C’est des oiseaux qui tombent du ciel .. Par centaines .. Des oiseaux .. Bordel … Des piafs …
Où que j’en étais ? .. Ah oui .. L’indignation. Le Nouvel Ordre Mondial. L’oiseau de malheur ..
On peut bien faire les marioles, les indignés, les Mélenchon, qu’est-ce que ça changerait ? Ils nous ont déloqués, plumés, petit à petit, patiemment, tout, ils nous ont tout enlevé ! Même la démocratie. Il n’en reste plus rien. Une urne. Et des mots crasseux pour l’emplir .. Voilà à qui, à quoi, ils l’ont réduite, la démocratie. A Séguéla. A Tapie. Autant dire un dégueulis, un simulacre, je dirais même une dictature (le Nouvel Ordre Mondial, que ça s’appelle, affirmatif ! Où, paraît-il, le chinois est heureux de palper des nèfles ! J’t’en foutrais, salopard ! vendu ! loufiat !) une dictature, disais-je, et avec notre bénédiction, s’il vous plaît, tellement qu’on a rien dit, qu’on a laissé faire, filer, fainéants d’endettés qu’on est !
Faudrait-il que le peuple, tous les peuples crèvent de faim ? Tous sans exception, à l’unisson, pour que ça s’indigne, se révolte, y foute la feu … Et quand bien même, il n’est pas certain qu’elle naîtrait alors, qu’elle surgirait enfin, comme un poing, énorme, gigantesque, celle par qui tout est possible, celle avec et par qui tu renverses tout, banquiers, fumiers, bonimenteurs, régimes et montagnes comprises : la solidarité ... Sans elle, comme elles sont orphelines, la révolte, l’indignation ; sans elle, la solidarność, point de salut … Que de la pluie, noire. Une pluie d’oiseaux tout occis, crounis, kaput !
Oh ! on en cause de solidarité, on la rupine plutôt, on nous la vend et vante, by « épisode neigeux », by inondations, la terre et tout son tremblement, 3,2,1, partez ! Oyez, oyez ! Ce sont les soldes du cœur ! Donnez donc, braves gens, les aimables, c’est l’heure, y’a du record dans l’air !.. Regardez, voyez comme ils sont solidaires, n’est-ce pas, les français dans ces moments-là … Ces moments-là, oui. Et encore ! C’est du montage télévisuel, du préfabriqué radiophonique, de l’épate médiatique, faut pas se leurrer .. Une fois les micros fermés, les caméras caltées, tout le monde y rentre chez lui, s’enferme, à double, triple-tour, se protège.
Il l’a bien noté, son altesse fanfaronnante. Le Sarkozoïde. C’est le mot-clé de ses vœux de la 2011 : « protéger », « protection ». Huit fois qu’il l’a écrémé. Au subjoncprout de l’imparfait … Sarkozy, le « protecteur » … Vous me la polycopierez ! .. C’est la meilleure de l’année. Et dire qu’elle ne fait que commencer ! … Ça promet.
Des mots, j’entends, que des mots ! attrape-nigauds ! pas à nous, on marche pas, pas deux fois ! On n’en veut plus de cet homme-là, l’Atlantiste, l’Otaniste, gérant, ô combien comptable, du Nouvel Ordre Mondial …
... Des mots, certes. Mais comme ils résonnent. Positivement... Allez donc la prendre, la température, vous en serez tout édifiés. Comme ça en quémande de la vidéosurveillance à gogo, du scanner puissance X, du contrôle au facies, de la fouille au corps, au cul, partout ! Ah, protégez-moi, messire, s’il vous plaît, mes petites économies, ma petite maison, mon petit travail .. Boutez-moi ces Roms, ces musulmans, hors de là, hors de tout … Et ça se dit fier d’être français … Les poltrons ! ..
Un peuple gai, joyeux, imaginatif, il s’en balance de la protection d’icelui : il vit.
Or, c’est l’évidence, ça crève les yeux, nous ne vivons plus. Bouffés, rongés que nous sommes par la peur, qu’implore protection, assistance. Et qui dit peur, dit : pas de solidarité. Aucune. Zéro. Ou alors au clairon médiatique, et de la comptée, de la mesurée : Haïti, oui ! Vendée, oui ! Myopathes, aussi ! Mais Pakistan, jamais ! Pas conforme, trop musulmane .. Cher, que ça va se caguer, cet abandon, ce mépris. A la bombe. Thermonucléaire. Bactériologique. Même qu’on l’aura pas volée ... Nous, les laborieux, à qui l’on a tout pris, pensée, raison, acquis, salaires, espérance de vie, sans que l’on bronche, ni l’oreille, ni la queue, abrutis que nous sommes de télévision, cette salope, vecteur principal, omniscient, du Nouvel Ordre Mondial ; la télévision, cette endormisseuse, la décervellisante, tueuse dans l’œuf de toute révolte, de toute indignation. Comme des cochons, qu’elle nous traite et considère. Du bétail microtrottoirisable. Malléable. Ajustable …
Faut l’éteindre. L’autodafer. Avant qu’elle fasse de nous autres des oiseaux morts. Nous qui, déjà, ne vivons plus. Morts de peurs. Nous plaignant de tout. D’insécurité organisée, orchestrée, marketée par le Nouvel Ordre Mondial. De calembredaines abracadabrantes.
Même du temps, qu’on s’en plaint. De la pluie. Ma jolie …
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