Philippe Dallier sur le Grand-Paris : « il faut faire péter ces frontières »

Publié le 18 janvier 2008 par Jean-Paul Chapon

S’il fallait trouver un point commun entre journalistes et blogueurs, on pourrait dire que ces derniers sont aussi mal élevés que les premiers : ce n’est pas parce que l’on confirme sa participation à un événement que l’on s’y rendra . Et ma curiosité à rencontrer l’animateur du blogue violemment anti-Delanoë, le Perroquet libéré figurant pourtant sur la liste des participants, restera sur sa faim. Mais il est vrai que la rencontre de blogueurs organisée par Philippe Dallier, sénateur UMP de Seine-Saint-Denis et rapporteur sur le Grand-Paris pour l’Observatoire de la Décentralisation du Sénat ne risquait pas de révéler le genre de « nouvelles » qui fait le fonds de commerce de ce blogue.

Philippe Dallier on le sait est partisan d’un allègement du mille-feuille administratif, pour lui trois niveaux suffisent en France, la commune ou l’intercommunalité, la région et l’Etat. Appliqué à l’agglomération parisienne pour laquelle il ne juge pas l’intercommunalité adaptée, il propose la création d’un Grand-Paris, regroupant Paris et les 3 départements de petite ceinture, 92, 93 et 94, la disparition des conseils généraux correspondants et la création d’un nouvelle collectivité de plein exercice, avec des « élus élus », dont un président élu au suffrage universel, et non pas de façon indirecte. Cette nouvelle collectivité viendrait s’intercaler entre les communes, renforcées, et la région. On peut écouter les explications données par Philippe Dallier dans l’interview qu’il a donnée à Paris est sa banlieue aux Pavillons-sous-bois à la fin du mois de décembre dernier.

L’occasion cependant de préciser quelques points. Et tout d’abord, il aime à le marteler comme pour écarter ce point avant d’entrer dans le vif du sujet, non, Philippe Dallier n’est pas le “poisson-pilote” de l’Elysée sur la question du Grand-Paris ! Il réalise un rapport pour le Sénat, dont il est bien logique que cette assemble s’intéresse à l’évolution du statut des collectivités. Et l’idée de Grand-Paris non plus n’est pas un « poisson-pilote » qui pourrait être généralisé à l’ensemble du pays, tout juste accorde-t-il qu’après une réforme limitée à Paris et à la petite couronne, on pourrait envisager une réflexion approfondie sur le reste, notamment sur la question des départements…

Quant à expliquer les revirements apparants de la position du Président de la République entre son discours de Roissy en juin 2007 dans lequel il déclarait « il faut enfin agir sur l’organisation des pouvoirs. Paris est la seule agglomération de France à ne pas avoir de communauté urbaine. … Quant aux départements, qui peut comparer le rôle d’un département de petite couronne et celui d’un département rural, alors qu’ils ont les mêmes pouvoirs, la même fiscalité, la même structure ? » et celui de la semaine dernière où il déclare sur le Grand-Paris que « la réflexion ne doit pas être engagée d’abord sous l’angle des institutions, de la gouvernance, mais sous l’angle de l’urbanisme, de l’architecture, de la sociabilité, de la convivialité, de la qualité de vie, de la place de l’homme dans la ville », la réponse de Philippe Dallier est courte, « joker » ;-)

Pour autant, on ne saurait qualifier le discours du sénateur de Pavillons-sous-bois de langue de bois. « Il faut faire péter ces frontières, qui n’ont pas de sens au plan territorial, et qui deviennent des frontières mentales » déclare-t-il à propos de l’identification à un territoire et particulièrement en réponse à des blogueurs de Seine-Saint-Denis mettant en avant l’attachement et la fierté des habitants de ce département, face au risque de dilution identitaire dans un Grand-Paris. Comme si on ne pouvait pas aujourd’hui être à la fois attaché à son quartier et à la ville de Paris, et demain à sa commune et au Grand-Paris.

Une des questions qui revient souvent dans les débats publics à propos du Grand-Paris, comme par exemple ce lundi à Nogent sur Marne, est le quid des compétences des conseils généraux, leur disparition entraînerait selon leurs défenseurs une disparition des compétences qui leurs sont attachées. Non répond Philippe Dallier, il faut une redistribution, pour celles qui nécessitent un traitement de proximité vers les communes - qui dans l’agglomération parisienne ont la taille suffisante pour les assurer - et pour les autres vers la région. Exemples donnés, le RMI et l’APA revenant aux communes, et les collèges qui rejoignant les lycées dans les compétences régionales, ou encore les routes nationales. Et d’ajouter qu’il est nécessaire de retravailler aussi sur la notion de Compétence générale de chacun des niveaux. L’idée pourrait être de limiter les compétences du Grand-Paris, transports, logement, développement économique, police métropolitaine, et peut-être de supprimer la close de compétence générale pour le Grand-Paris, les laissant en l’espèce au niveau de la région et des communes. De toute façon, on voit bien qu’il faudra faire du sur mesure. Ainsi lorsque je lui demande comment il envisage les rapports futurs entre le président du Grand-Paris et le maire de Paris, la réponse arrive comme une boutade « mauvais ». Et j’ajoute « à moins qu’il ne s’agisse de la même personne ? », légalement impossible aujourd’hui me fait-on remarquer. A moins que mesures ad hoc soient prises pour cette nouvelle collectivité ? Puisqu’il faut de l’imagination, autant aller jusqu’au bout…

On ne saurait parler du Grand-Paris sans évoquer son calendrier. « L’idée d’une loi cadre à l’automne 2008, tout le monde en est revenu » , il faut commencer à travailler, Philippe Dallier évoque les Assises de l’agglomération parisienne qui devraient se tenir en juin, et de toute façon, rien avant les municipales. On n’a pas le temps. C’est un regret pour tous les participants à la réunion de mercredi matin, mais s’il est vrai qu’aucun schéma n’est suffisamment avancé et que les partis n’ont pas de position tranchées sur lesquelles les candidats pourraient se prononcer, rien ne les empêche de situer leur candidature dans la perspective ou non d’un Grand-Paris. Mais pour autant, Philippe Dallier souhaite aller vite, et notamment que la première étape de cette modification institutionnelle se situe avant les régionales de 2010. Logique.
 
« Il est temps de refaire du De Gaulle et du Delouvrier en Ile-de-France », s’il n’est pas le poisson-pilote de Sarkozy, dont il ne veut pas faire l’exégèse des discours, Philippe Dallier en reprend tout de même certains thèmes et articule le projet autour de trois axes : réforme institutionnelle, métrophérique et grands projets architecturaux. Et c’était une des bonnes surprises de cette rencontre de voir une évolution de la position affichée par le rapporteur sur le Grand-Paris sur Métrophérique qu’il trouvait d’abord trop cher et trop lourd, « pharaonique » auraient dit certains et certaines. Sans doute sa rencontre récente avec Pierre Mongin, le président de la RATP n’y est pas pour rien. Au passage, petite réflexion sur le STIF (Syndicat des Transports d’Ile de France), une « mécanique lourde », mais la région reste le niveau pertinent pour les transports. Idée : modifier la gouvernance du STIF, avec plus de décentralisation, notamment au niveau Grand-Paris pour les petits projets, et une plus grande transparence pour les grandes décisions. Et aussi de citer l’exemple londonien, qui a une approche plus coordonnée et complète intégrant transports collectifs, mais aussi routes, taxis, parkings… La solution ne doit pas faire de laissés pour compte, rappelle-t-il à propos de la grande couronne. On sent surtout que la solution n’est pas encore trouvée mais que c’est un des sujets sur lesquels on réfléchit.

Pourquoi arrêter le Grand-Paris à la petite couronne ? Pourquoi en exclure les villes nouvelles. La réponse de Philippe Dallier est simple, dans un premier temps, c’est une question de pragmatisme en commençant par ce qui est le plus facile à régler et ensuite, aller au-delà “par étape“. On verra si comme sur Métrophérique, cette position évolue…

Enfin, un point qui ramène le discours de Philippe Dallier à Nicolas Sarkozy. Plusieurs fois le mot impulsion revient. Ainsi il faudra “une impulsion forte du Président de la République“, notamment pour mutualiser la Taxe Professionnelle ou faire disparaître le 92 déclare-t-il en substance. Ajoutant que le risque pourrait par exemple être que les Hauts-de-Seine acceptent un effort supplémentaire sur la participation au FSRIF, le Fonds de Solidarité des Communes d’Ile-de-France, pour éviter d’aller plus loin. Et plus généralement, Philippe Dallier parle du besoin d’une impulsion de départ, puis d’une stratégie politique pour rassurer les maires, et pour rassurer les citoyens. Là il est dans son rôle, mais pour que le Grand-Paris soit la meilleure solution au problème tel qu’il se pose aujourd’hui, il faudra que cette impulsion soit partagée et menée par plusieurs, à commencer par le tandem Delanoë-Sarkozy !

Jean-Paul Chapon

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