Axelle au pays des merveilles
Une silhouette sombre marche d’un pas alerte et régulier sur Laugavegur, la principale artère commerçante du centre de Reykjavik. En ce mois de novembre, «les nuits sans jours» remplacent depuis quelques semaines déjà les «jours sans nuits». L’hibernation après l’insomnie. Les températures locales ont quant à elles chuté avec la célérité d’un pingouin dévalant les pentes enneigées d’un glacier autochtone. Capuche sur la tête, tel un chaperon de noir vêtu, Axelle se rend au centre culturel pour assister à son cours d’islandais aux côtés d’autres étudiants venus du monde entier et qui, comme elle, s’efforcent d’intégrer les subtilités de la langue de Laxness.
Cela fait plus de trois ans que la jeune femme réside dans la capitale Islandaise. Trois ans qu’elle a quitté sa Picardie natale pour cette île qui jouxte le Cercle polaire Arctique. «Les champs de lave Islandais» trônent désormais en maître glacé en lieu et place des «champs de patates picards», remarque-t-elle avec un sourire. En 2006, Axelle vient d’obtenir un Master de traductrice spécialisée et cherche un emploi stable dans la région d’Amiens; elle se contente alors de quelques missions ponctuelles de traductrice assermentée. Insuffisant. Inscrite à Pôle Emploi, bénéficiaire du RMI, logée chez ses parents, Axelle peine à s’adapter à cette existence morne. Elle rêve d’aventures plus fascinantes et se remémore le souvenir plaisant d’un stage de fin d’études de 6 mois effectué à Reykjavik l’année précédente. «La nature et la culture Islandaises me manquaient beaucoup» explique-t-elle. Après 8 mois de recherche infructueuse, la décision s’impose d’elle même. Elle retournera sur la terre des elfes, ce pays qui la faisait tant rêver quand elle était adolescente. Elle s’était éprise de l’île aux volcans au son des mélodies de Björk et en découvrant des photographies époustouflantes de beauté brute, comme extraites d’un roman de Jules Vernes. «Je ne cessais de me renseigner sur le pays. A l’occasion d’anniversaires ou de Noëls j’ai reçu quelques livres sur l’Islande. J’avais même demandé un livre de grammaire islandaise. Mais la plupart était des livres de photos. Dès que je les ouvrais, c’était déjà l’évasion». Autant de merveilles attendues, autant de chimères espérées vouées à se transformer en réalité vécue.
Retour sur la «terre de glace».
En mai 2007, Axelle est de retour à Reykjavik. Elle a préalablement négocié un CDD de trois mois avec l’entreprise qui l’avait accueilli en stage. Loin de critiquer ou de craindre un choix qui va conduire leur fille et petite-fille à vivre dans un pays demeurant méconnu pour ses canicules estivales, sa famille se révèle enthousiaste et même admirative à l’annonce de sa décision. «Mon départ était perçue comme quelque chose de très positif» explique-t-elle. En Islande, son employeur a considérablement simplifié les modalités pratiques de son intégration. Il a pris en charge l’obtention de son «kennitala» (équivalent Islandais de notre numéro de sécurité sociale, utilisé pour l’ensemble des démarches administratives), l’a aidé à trouver un logement et à ouvrir un compte en banque, lui a indiqué les emplacements des principaux organismes à connaître...
A l’issue de sa période d’essai, son contrat a été renouvelé. Axelle a pu rester. «J’ai ressenti une certaine euphorie comme jamais auparavant. J’avais envie de marcher dans toutes les rues, d’aller dans tous les parcs, de me promener le long de la mer, de visiter tous les musées en même temps. Je ne réalisais pas que j’allais rester bien plus longtemps que pour une visite touristique de dix jours».
Froid, moi ? Jamais !
Aujourd’hui Axelle travaille encore pour l’agence de traduction qui l’a recruté. En tant que chef de projet, elle dirige et contrôle les prestations des traducteurs dont elle a la charge, en lien étroit avec ses clients. «Une journée de travail plutôt bien remplie. Dans le milieu de la traduction, le stress fait partie du quotidien. Il faut être capable de faire face à toutes les situations». Le reste du temps, elle côtoie ses amis, Islandais et étrangers. «Nous allons voir des concerts, des films, ou bien nous nous retrouvons autour d’un café pour discuter ou tricoter». Et quand on lui demande si ses projets pour l’avenir peuvent un jour la conduire ailleurs, la jeune femme regarde son interlocuteur avec l’étonnement d’un individu qu’on interroge sur l’éventualité d’abandonner ce qui le rend profondément heureux. «Je quitterai l’Islande quand je serai parfaitement bilingue», répond-elle goguenarde.
Difficile d’être plus explicite.
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