35 heures : Copé jette le masque

Publié le 07 janvier 2011 par Letombe

 

Le débat sur le « déverrouillage » des 35 heures, relancé par Manuel Valls, montre enfin les véritables enjeu. Selon Jean-François Copé, secrétaire général de l’UMP, il s’agit bel et bien d’organiser la baisse des salaires, au moins « dans un premier temps », afin de récupérer 25 milliards d’euros pour le Budget tout en supprimant la durée légale du travail.

Il faut reconnaître un avantage à Jean-François Copé: de temps en temps, il jette vraiment aux orties la langue de bois, comme il l’avait juré dans un livre en 2007. Ce matin sur RTL, le secrétaire général de l’UMP a lâché devant Jean-Michel Apathie le fond de sa pensée sur la question des 35 heures . On comprend très vite que les « 35 heures » sont un prétexte. Copé sait bien que le dispositif de Martine Aubry n’est plus qu’un fantôme. Ce qu’il cherche c’est à récupérer les « 22 ou 25 milliards d’euros » d’exonération de charges sur les bas salaires et les heures supplémentaires « intenables par ces temps de crise ». Il propose donc de supprimer toute durée légale du travail, de faire travailler plus tout en gagnant pas plus. « C’est inéluctable », martèle-t-il. Copé, comme la droite française (et une partie de la gauche comme Manuel Valls ) est obsédé par la perte de compétitivité française, notamment par rapport à l’Allemagne. Sur dix ans, à l’initiative de Gehrard Schroeder, celle-ci a réussi à gagner 15% de compétitivité par rapport à ses voisins, en ramenant ses coûts salariaux à des niveaux proches des nôtres. La France avait fait de même dans les années 80 et 90, avec la « désinflation compétitive ».

Copé propose de prendre le même chemin, mais en cinq ans. Travailler plus pour gagner pareil, signifie programmer une baisse des coûts horaires. Si on revient ainsi aux 39 heures, cela signifie un gain de 10% pour l’employeur. Mais un élève de CM2 remarquera que les entreprises tricolores ne gagneraient aucunement en compétitivité, puisque ce qu’elles gagneraient sur le coût de la main d’œuvre, elle le perdrait par le biais de la subvention de l’Etat aux bas salaires. A moins de supprimer les postes à bas salaires ! En fait, Copé nous propose un impôt payé en temps par les salariés. Cela existe déjà : la « journée de solidarité » rapporte 1 milliard d’euros par an depuis 2004. La réforme des retraites est aussi une sorte d’impôt « temps » sur les salariés, qui travaillent sur une durée plus longue…

Il s’agirait de plus d’une régression sociale : l’abolition de la durée légale de travail, remplacée par le plafond européen de 48 heures maximum par semaine est une vieille revendication ultralibérale, bien dans la ligne d’Hervé Novelli, adjoint de Jean-François Copé à l’UMP. Ce n’est plus la revanche sur les 35 heures d’Aubry, mais sur les 40 heures du Front populaire…

Il n’est pas sûr que les patrons soient très chauds pour passer un tel marché. On entend d’ailleurs déjà les représentants des artisans protester. Selon l’UPA : « Supprimer ces exonérations serait une erreur fondamentale et reviendrait à tuer dans l’œuf tout espoir de reprise », alors que « les réductions de charges contribuent mieux que toutes autres mesures à créer et à préserver l’emploi en France »..

Le Medef accueille favorablement l’idée d’un abandon de la « durée légale » du temps de travail, un « concept obsolète » à ses yeux, mais ne veut pas qu’on touche aux allègements des charges au risque « d’effets désastreux sur l’emploi »….

Existe-t-il d’autres solutions ? Au moins vaut-il d’étudier la TVA sociale, qui permettrait de basculer une partie des charges des entreprises sur la fiscalité indirecte. Les importations n’en supporteraient qu’une partie, ce qui est positif. La compétitivité des entreprises françaises en serait améliorée. Certains disent que le mouvement serait de toutes façons modeste.

Mais la véritable compétitivité globale se gagne d’abord sur les produits et les services offerts par l’économie à sa propre population et au reste du monde. La panne française en la matière est évidente : désertification industrielle sur les produits basiques, cartellisation de la grande distribution trop chère, rente des grands groupes de services trop chers aussi, etc. Les technologies de pointe que nous fabriquons (TGV, nucléaire…) datent trop souvent des années 70. Conclusion : Il faudrait se retrousser les méninges avant de le faire avec nos manches !

Par Hervé Nathan pour « antibobards«

Merci à Section du Parti socialiste de l'île de ré