L’abbaye de Bonneval est en Aveyron. Fondée au XIIe siècle, des moniales cisterciennes y ont rétabli la vie contemplative en 1875. Elles y fabriquent du chocolat et accueillent des « retraitants » en hostellerie monastique.
Nicolas Gayraud y a passé quelques jours dont il témoigne dans un documentaire récemment diffusé sur tvaveyron.fr.
Il filme les paysages, les chants d’oiseaux, les forêts, montagnes, brumes, pluie, nuages qui semblent arrêter le temps, à l’endroit où la parole se fait rare. Les moniales qui ont accepté de parler devant la caméra se montrent assez enjouées et leurs visages respirent une forme de bonheur qu’elles évoquent de plusieurs manières. La mère abbesse dit son engagement comme une contestation de l’organisation du monde et témoigne de la difficulté de se confronter à soi-même. L’égoïsme naturel, dit une autre, est toujours là. L’envie de tout ce à quoi elles ont renoncé ne disparaît pas. Mais elles ont fait un choix de vie, radical, hors du temps, comme le dit aussi le chocolatier qui vient travailler à l’abbaye. Ce dernier, à propos de l’illusion nourrie par l’idée que consommer plus nous fera plus heureux, a cette phrase remarquable : « On est crédule, c’est incroyable ! »
Le réalisateur exprime son admiration, ses hésitations, son attention, par des textes insérés entre les images. Il mêle à ces témoignages des références : Stalker (de Tarkovski), une phrase d’André Breton (« J’ai cessé de me désirer ailleurs »). Il s’arrête sur un escargot endormi sur une pierre tombale, suit une religieuse à pied dans la montagne, une autre dans un tracteur sur les chemins, une autre dans un tunnel. Il nous fait entendre les pas, dans l’herbe, sur les dalles du cloître, le long d’une canalisation qui conduit l’eau jusqu’à l’abbaye.
Des pas, des pas, des portes qui s’ouvrent, se ferment, le travail humble du quotidien, de la fabrique du chocolat. Plusieurs plans me restent en mémoire, notamment celui de la préparation de la table pour un repas : les moniales, tournant autour de la table, passent devant la caméra, posant l’une après l’autre autour de la cruche assiettes, orange, pain, etc.
On quitte l’abbaye par un long travelling, la caméra étant à l’arrière de la voiture qui part, donnant l’impression de refermer une parenthèse, de rendre au mystère ces lieux où nous venons de passer quelques jours.
Le DVD, entièrement autoproduit, est en vente (20€) par mail: [email protected]