En lisant la biographie de Sérgio Milliet, on apprend que le poète et essayiste brésilien (1898-1966) a vécu en Europe et au Brésil et qu’il a écrit en français et en portugais.
→ Un poème écrit en français
Rêverie
à M. C.
ne plus sentir penser ses yeux caméléons
Mais tant de pitié me fait mal
Caméléons
Aventurines
Couleur de mer
Et traîtres
Mais si doux
« j’aime ses yeux couleur d’aventurine »
Quel beau sonnet je pourrais faire
Si je n’étais pas un « futuriste »
Quatre par quatre les rimes
et deux tercets
et un salut « Trois Mousquetaires »
Au cinéma les d’Artagnan sont ridicules
et j’aime mieux Hayakawa*
Ah le siècle automobile aéroplane 75
Rapidité surtout rapidité
Mais moi je suis si ROMANTIQUE
Ses yeux
Ses yeux
Ses yeux caméléons
C’est bien le meilleur adjectif
Sérgio Milliet, Poèmes modernistes et autres écrits, choix, traduction, présentation et notes par Antoine Chareyre, libraire-éditeur La Nerthe, 2010 p. 33
*Sessue Hayakawa (1889-1973), acteur japonais, alors figure exotique du cinéma hollywoodien [...]
→ un poème écrit en portugais
Ballet suédois
pour Blaise Cendrars
Forêt à trois étages
Les heures de la nuit peu à peu s’en vont
et les heures blanches s’approchent
Il pleut des désirs tordus
tentations en vert obscur
Zé Pereira*
....boum....boum... boum
boum... boum, boum, boum...
Brésil carnavalesque et envoûteur
plein de sorcières et de nègres
qui dansent la samba
des sensualismes nationaux.
« Mon bœuf est mort
que vais-je devenir !!! »**
La lune très grande
très rouge
qui voyage incognito à travers l’Europe
Sang !
Tout ce sang de mille races
coule dans mes veines
Je suis brésilien
Mais du Brésil sans col
du Brésil nègre
du Brésil indien
Cendrars est un poète brésilien !
Sérgio Milliet, Poèmes modernistes et autres écrits, choix, traduction, présentation et notes par Antoine Chareyre, libraire-éditeur La Nerthe, 2010 p. 55
*Le Zé Pereira désigne une formation carnavalesque introduite au Brésil (par les Portugais) à la fin du XIXe siècle, consistant en un petit groupe d’individus battant tambours et zabumbas dans les rues de Rio
**Référence, par le collage d’un texte de toada anonyme, « O meu boi morreu », au folklore du Bumba-meu-boi, sorte de théâtre de rue, musical et dansé, d’origine nordestine, interprété par le peuple, et qui raconte de manière allégorique la mort et la résurrection d’un bœuf.