C’est quand il se rend à la mer et que le paysage solaire dévaste sa peau et que ses mains démêlent les parchemins de sable et que son corps est enduit de lumière qu’il sait l’orgueil de la vie, l’orgueil d’entreprendre l’instant, l’orgueil de tracer sa singularité, d’être lui et pas un autre, d’être cette conscience pure et incommensurable, il sait au bout de ces années de pèlerinages et de défaites qu’on ne peut rien savoir, que si la vérité existe, il n’appartient pas à l’homme d’en être le dépositaire, il sait que les autres sont assoiffés de sens mais lui aussi, lui aussi et qu’il ne parviendra jamais à taire cette exhortation, chaque pas, chaque instant est un défi lancé à la mort mais on ne peut rien savoir si ce n’est qu’on est au plus proche du vrai dans la démesure de l’orgueil, mais non l’orgueil qui blesse, non l’orgueil du pouvoir, non l’orgueil qui est mépris de l’autre, non, il ne s’agit pas de cela mais de l’orgueil de la vie, il sait, alors que le soleil est blessure, alors qu’il crevasse tous les foisonnements de la mer, alors qu’il achève d’assouvir ses tiraillements que tout homme qui ne s’est pas cru un instant dieu n’a pas vécu et alors toutes les cellules de son corps réclament les vacarmes du devenir et alors il veut dessécher la moindre parcelle de son sang, aller au bout de soi et alors il veut épuiser la vie, la contraindre dans ses limites et alors il sait oui, il sait, l’orgueil de la vie, il le sait, orgueil face à un univers qui annihile tout, face aux dérobades du temps, face à la tempête du désir et de la beauté, il sait qu’en ce lieu, lui, œuvre de sable enraciné dans la forge du soleil et de la mer, il a existé, il existe et il existera.