Magazine Culture
Sylvia Tabet réunit dans ce très beau livre édité par les Editions-dialogues (que je remercie vivement) trois êtres chers à mon cœur : Gary comme spectateur narrateur, Rothko comme fraîchement suicidé et Stael dans l’attente de ce dernier.Entre Rothko et Stael s’engage alors un dialogue, un règlement de comptes qui se mue en discussion puis en confidences. C'est Gary l'indiscret, le voyeur, le fictif, puisque lui est censé être toujours vivant. A moins que ce ne soient les peintres... Bref, on baigne dans un huis clos artistique qui mêle joyeusement fiction et réalité, biographie et imaginaire. Univers de désespérés (tous se sont suicidés, même si le doute subsiste pour Staël), d'exilés, de perfectionnistes, d'hommes hypersensibles, de philosophes. Personnages en quête, malgré la mort.Ce qui est fascinant dans ce livre, c'est la facilité avec laquelle se construit le discours. Ce dialogue presque théâtral entre les peintres, espionnés par Gary à qui cela donne aussi du grain à moudre, glisse irrémédiablement du général à l'intime. Suite à une discussion sur les influences, les peintres reviennent à leur formation et à leur culture, leur histoire initiale, presque commune tant elle est proche. D'une description de tableau, on s'attache à parler de vie et de mort. Et tout est très fluide, aucun sujet ne semble prétexte, c'est véritablement un dialogue avec ses coq à l'âne et ses idées poursuivies jusqu'au bout. Il n'y a rien de posé, tout est naturel et j'avoue que c'est un véritable tour de force dans une situation comme celle-ci : tout est fictif mais rien n'est plus évident que ce trio ! Bravo !Et les dernières pages sur la création de ce roman sont véritablement éclairantes et donnent envie de lire sur le sujet.