Le parti socialiste français (PS) tiendra sa «primaire» à l’automne 2011 en vue de la désignation par ses membres de son candidat à l’élection présidentielle. Les mises en candidatures se tiennent en juin et sont ouvertes à toute personne de gauche, une première, si celle-ci rencontre les conditions établies par le parti socialiste.
C’est une chance unique pour la gauche française de prendre toute la place médiatique de juin à novembre 2011 car une telle compétition peut devenir fort intéressante et capter l’imagination de tous les Français. Ce résultat est inévitable, si on en juge par les dernières «primaires» américaines qui ont été suivies par des millions de personnes, non seulement aux USA mais dans le monde entier.
Le PS est le seul grand parti politique français qui tiendra une «primaire» en vue de la prochaine élection présidentielle. Le président Sarkozy étant éligible pour un second mandat, son parti, l’UMP, n’aura pas de «primaire». Sur le plan médiatique, le PS sera donc seul. C’est un avantage important.
Déjà, six candidatures sont déclarées, dont celles du député Arnaud Montebourg qui a présidé le comité du PS pour la mise en forme de cette élection «primaire», Ségolène Royal qui a recueilli plus de 18 millions de votes lors de la dernière élection présidentielle contre Nicolas Sarkozy et le député-maire Manuel Valls. D’autres viendront, dont les plus attendues sont celles de Martine Aubry, premier secrétaire du PS et de Daniel Strauss-Kahn (DSK), président du FMI et défait à la «primaire» de 2006 par Ségolène Royal. À ce jour, le grand favori est DSK.
Les médias français traitent de plus en plus de cette élection «primaire» et dès qu’un candidat fait une déclaration pour le moins sensationnelle, cette dernière capte sur-le-champ la « Une » des médias et son propos est discuté en fond et en large.
Il en est ainsi, actuellement, pour la récente position de Manuel Valls sur la question des 35 heures. Cette loi fut proposée par Martine Aubry et adoptée par l’ex-gouvernement socialiste Jospin pour réduire la semaine de travail des Français à 35 heures. La loi fut opposée férocement par la droite et, dès sa prise de pouvoir, le président Sarkozy la modifia pour permettre aux Français de « travailler plus longtemps pour gagner plus ». Que le socialiste Valls propose aujourd’hui de « déverrouiller les 35 h pour permettre aux entreprises d’augmenter les salaires » devient une grosse nouvelle et tous les médias s’en emparent, même si certains la qualifient de « politiquement inepte ».
Je comprends Valls de chercher à faire du bruit pour se faire remarquer et il réussit. À la guerre comme à la guerre !
Mais le plus révélateur est la position du parti socialiste de Mme Aubry, face à cette proposition de Valls. Pour elle, il est inacceptable qu’un candidat au «primaire» propose des changements aux lois qui ont été adoptées dans le passé par un gouvernement socialiste et surtout sa loi des 35 heures. Elle menace d’expulser Valls du PS et le somme de se conformer à la « ligne officielle » sinon... Au lieu d’argumenter, elle fait peur ! On se penserait en Russie de Staline.
Il y a aussi cette rumeur, bien fondée, d’une entente entre DSK, Royal et Aubry. Si DSK est candidat, elles se désisteraient en sa faveur. Quelle idée farfelue, injuste et indigne pour les membres du parti socialiste ! Au Québec, on appelle cela du « paquetage de convention ». Si une telle chose se produit, tout le suspense qui devait être généré par une vraie compétition pour le choix du candidat présidentiel socialiste disparaîtra ipso facto. La presse ne fera plus qu’une couverture minimale de cet exercice démocratique puisqu’il aura été méprisé par ses dirigeants principaux. Ce sera un mauvais calcul de la part de ces derniers puisqu’il ne tiendra pas compte que la bataille électorale est en réalité un commerce d’images et d’illusions.
Pour l’organisation de sa primaire, le PS s’est inspiré de celle du parti démocrate qui a choisi Barack Obama. Il semble qu’il n’ait rien compris. À cette «primaire» américaine, aucun candidat ne s’est désisté en faveur d’un autre. Au contraire, ils se sont livrés jusqu’à la dernière minute une bataille de titans. Ce sont les délégués de tous les états américains qui ont analysé, décidé et choisi leur candidat à la présidence américaine. La confrontation entre les candidats fut dure et intense et ce n’est qu’après l’annonce du vote que les candidats défaits se sont ralliés à Obama. Le parti démocrate sur lequel toute l’attention du monde entier s’était concentrée est sorti gagnant à cause de toute la publicité médiatique que la rivalité entre ses candidats a générée. Les démocrates ont réussi non seulement à faire élire Obama lors de l’élection générale mais aussi une majorité de représentants à la Chambre et une majorité de sénateurs au Sénat. Ces résultats démontrent bien que ce n’est pas uniquement le candidat à la présidence qui bénéficie des retombées médiatiques d’une telle «primaire» mais tous les candidats de son parti.
On me dit souvent que l’approche électorale en France n’est pas comme celle des USA ou du Canada. J’ai toujours montré mon désaccord devant une telle affirmation. Un électeur est un électeur et, où qu’il soit, il suit d’un œil distrait l’évolution de la politique qui le concerne. Mais lorsque son attention est attirée par des ondes positives ou négatives qui sont émises par un incident ou un personnage politique, il réagit en conséquence.
La finale de la «primaire» socialiste française doit être l’aboutissement d’un affrontement sain et réel entre tous ses candidats qui aspirent à devenir président de la France. Ils ont plus de six mois pour se faire valoir. Ce faisant, ils attireront à la longue l’attention de plus en plus de futurs électeurs et les influenceront. Si cette «primaire» est sabotée par des stratèges de cuisine ou par l’intérêt personnel des dirigeants du parti, le PS manquera la marque et cette belle opportunité qui s’offre à lui s’envolera en fumée.
Claude Dupras