En février 2010, un député PS, François Loncle, avait interrogé Luc Chatel sur les " dispositions " qu'il souhaitait prendre pour " remédier sans délai " aux " fautes de langage " de Nicolas Sarkozy. Vous trouverez en annexe le contenu de la réponse du Ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative, datée du 7 décembre 2010, récupérée sur le site Médiapart. Vous constaterez ainsi que ce Ministre n'a en rien répondu à la demande de son collègue et que sa communication écrite ne vaut guère mieux que la communication orale de son maître.
Il commence par faire remarquer qu'" il est évidemment des questions plus importantes ". Précision bien inutile quand on constate qu'il aura fallu quelque dix mois à Luc Chatel pour accoucher de ce monument de sottise. Poursuivons en la lecture : " d'autres responsables politiques [...] ont été [...] critiqués ". Voilà bien l'argument massif de nombreux politiques, digne des cours de récréation : " M'sieur, Pierre aussi a tiré les ch'veux de Marie, et vous lui avez rien dit ! ".
Notre professeur en chef continue ainsi : " pour de prétendues entorses à l'égard de l'orthodoxie de notre grammaire ". Si je comprends bien, à la différence de ceux de notre souverain, les écarts des autres n'étaient que prétendus. Mais notre grammaire, elle, est tout à fait orthodoxe. Sont hétérodoxes ceux qui en bafouent les règles. Notre amphigourique ministre nous invite ensuite à convenir que " l'expression orale prête le flanc ". S'il avait été plus prudent dans l'emploi d'expressions figées, il eut évité de s'en prendre au flanc de cette malheureuse expression orale, lui qui malmène si hardiment l'écrit.
Si notre ancien porte-parole de l'Elysée les avait lus, il saurait que nos plus grands auteurs ont su utiliser un français correct sans cesser d'être clairs et simples. Quelle mouche l'a donc piqué pour qu'il recoure à ces termes abscons d'amphigourique ou de circonvolutions ? Et dans ce dernier cas, pourquoi avoir préféré le sens figuré de circonvolution au terme plus précis de circonlocution ? Probablement une ambition prétentieuse, et manquée, de montrer sa maîtrise de notre langue.
Le plus beau reste à venir : " ses paroles [...] sont le signe d'une grande sincérité ". Autrement dit, qui s'exprime correctement est un menteur et les élèves qui commettent des fautes doivent être félicités pour leur franchise. Quant à louer la dignité de notre Président lorsqu'il prononce un discours, il est heureux qu'il se montre capable de prononcer un texte déjà rédigé mais il serait aussi souhaitable qu'il n'abandonne pas cette dignité à l'issue de son allocution, comme on a hélas pu le constater certain jour de 2008, sur le plateau des Glières.
Quant à son " sens de la proximité ", il est manifeste lorsque, dans ses déplacements en province, il se fait acclamer par des militants UMP dûment encartés, protégé qu'il est par des centaines de policiers mobilisés pour la circonstance. En fait, ce ministre n'est pas au poste qu'il mérite. Il devrait être ministre de l'Intérieur, là où il est si facile de dire : " Circulez, y'a rien à voir ! "