Obligations européennes : un abominable succès

Publié le 06 janvier 2011 par Copeau @Contrepoints

Bravo et merci à tous nos politiciens, c’est un succès, c’est vraiment super, génial, et ça met en joie tout honnête homme qui n’a rien compris : l’Europe a réussi le lancement de ses premières obligations. Ouvrez une bouteille ! Arsenic pour tout le monde !

5 milliards d’euros ont donc été émis, et apparemment, il y a du monde pour en croquer, puisque 19 milliards étaient souscrits. L’excuse officielle était l’aide à l’Irlande.

L’idée est donc la suivante : l’Europe émet des obligations, dont le taux à 5 ans s’établit autour de 2.5%. L’argent levé est prêté à l’Irlande à ce taux (plus ou moins quelques menus frais, bien évidemment), et de toute façon très en dessous du taux de 7.78% que l’Irlande aurait obtenu en allant chercher l’argent directement sur le marché.

Par cette manipulation qui ne berne que les politiciens les plus stupides, les institutions européennes ont réussi à diluer le risque irlandais (et bientôt, espagnol) sur tous les autres pays de la zone euro, dont l’Allemagne et la France, France qui se goberge de son triple-A sans tenir compte du taux de ses CDS qui n’arrêtent pas de grimper, mécaniquement entraînés vers le haut notamment à cause de ces manipulations grossières.

On assiste donc, en direct et dès la première semaine de janvier, à la poursuite de la course vers l’endettement effréné des populations par leurs gouvernements. L’Irlande a, grosso modo, été vendue à ses banques. A présent, on passe la vitesse supérieure et l’Europe va étendre la déroute à tout le système monétaire continental. Yeah ! 2011 en fanfare, les gars !

Le plus comique, si tant est que l’effondrement qui va résulter de ces exactions laisse encore cet adjectif à disposition du citoyen un tant soit peu lucide, c’est qu’en parallèle de ces levées européennes, les levées nationales ont continué de plus belle : la course à la dette continue donc puisque l’Allemagne a alloué presque 4 milliards d’euros, et la France entre 7.5 et 9 milliards.

La folie furieuse continue, absolument inconsciente et joyeuse, hermétiquement tenue à l’écart des préoccupations de nos abrutis de dirigeants : les plus frétillants représentants de ces imbéciles patentés sont actuellement béatement coincés sur un revival ridicule du débat vieux de plus de dix ans sur le temps de travail.

On frôle ici l’autisme et la trahison pure et simple du peuple qui les nourrit chèrement.

Si l’on ajoute les sidérales stupidités dégoisées par un Stiglitz en pleine forme dont le penchant ultrakeynésien apparaît ici au grand jour (allez bon, une bonne relance, vous allez voir, ça va marcher, comme ont brillamment marché les précédentes relances des trois dernières années, voyons), on comprend que plus rien n’empêchera les saltimbanques multimédias de continuer leurs simagrées destructrices.

La parabole de l’aspirine…

Ironie du sort, c’est pourtant le même Stiglitz qui vantait les mérites d’une bonne faillite, jadis, en 1999. Tant en Irlande qu’ailleurs, aucune banque n’était Too Big To Fail et c’était bien la solution, la seule vraiment efficace, qu’il fallait laisser se mettre en place : le citoyen n’aurait pas été mis à contribution, et l’état général du système ne serait pas celui qu’on connaît maintenant.

La conclusion, quelques uns la connaissent déjà. Les prochains mois permettront de la révéler au grand jour, dans toute son horreur et son cortège de misère. Désolé, ce ne sera pas drôle.

Pour finir, une petite vidéo.

Garçon, tournée générale d’arsenic et l’addition, c’est pour Trichet.


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