ECRITURE… AU STYLET
A : A. FOUZIA
…Que te dire femme de lettres… ?
Je ne sais plus… !
Je continue l'errance interrompue
À la recherche du poète disparu
À la quête des anciennes nuits…
Dans le désert de l'oubli
J'essaie de briser le mur du silence
De détruire les digues de l'isolement
Je trébuche avec le boulet aux pieds
Je lacère le visage des livres
Pour retrouver mes membres délaissés
Je sue la colère de tous les pores
Je me libère de tout
Et je redeviens de nouveau un autre…
Qu'importe l'axe de l'écriture
L'ossature raidie de l'absence
Ou la pointe sciée de la plume
Pour mettre à nu
Et les pleins
Et les élidés…
De la calligraphie des corps en voltige
Entre toi et moi
Entre toi et les autres
Moi et le reste du monde cloisonné
La dimension furieuse de nos voyages
De la fécondité de nos visions
Ou de la stérilité de nos pensées
Nos voguons à contre courant
Dans nos différences…
Chaque fois j'édulcore l'encre noire
Entre l'opacité des nuits d'hiver
Et la fluidité de l'aube estivale
Je fais appel à l'accouchement normal
Des fois je vis de tumultes
Et les portes me sont hermétiques
Alors je change de positions
Et je m'en vais au gré de mes pulsions
Pour mille estuaires dévastés…
Les accents sont complexes
Et la vie n'est qu'une arène ouverte
Où s'articulent toutes les destinées…
Ecris femmes de lettres… !
Je me vois emporter par les crues
J'essaie de lutter, de me débattre
De sortir de la noyade des mots
Essorer le reste de l'alphabet
De la puissance des séquelles du passé
Nous frôlons la folie d'être
Ou de ne pas l'être
Dans le piège des étapes transitaires
Pour disloquer les parfois fermées
Les maisons closes de la déchirure du verbe
Mon appel est le tien
Et nos voix conjuguées à tous les temps
Toi de la droite vers la gauche
Et moi je vis de la trahison de la langue
Nous accentuons les tatouages sur les fronts
Les sillons fanés sur les visages anonymes
Les arbres esseulés et dénudés de la … cité
Pour redonner au fleuve sa raison
Lui, il est là, falaise incontournable
Il continue à vibrer dans son linceul
Il s'oublie de plus en plus dans son lit
Des fois il remue, ouvre son coeur
Laisse passer sa révolte
Et de son ventre ouvert
Monte en crescendo toutes les notes
Les mille années de nostalgie
Il s'étend, bifurque, s'échappe…
Pour s'en aller pleurer
Dans les bras du fond de l'océan…
Je soupire une fois de plus
En regardant les eaux furieuses
Qu'importe pour moi la plume…
Le fleuve continue pour nous… l'écriture
Il est là, témoin de la vie
Et l'unique mémoire des siècles… décimés
© Kacem loubay
Samedi 29 Novembre 2003
Khénifra - Maroc
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Le poète de l'autre rive