Il y a bien longtemps que je ne vous ai pas revus, toi Pépé el andalus et toi Djamel l’algérois. Nous sommes tous les trois fils de la mer et un peu citoyens du monde.
Nous avons donc décidé de nous retrouver au tour d’un succulent couscous, pour revivre les bons moments de jadis !
Nos longues et interminables discussions nous manquaient.
Que de belles et bonnes choses nous unissaient !
D’abord, le football, bien sûr ! Quand on est entre mecs, on discute football, forcément !
Souviens-toi, Pépé, toi l’andalou et tiède supporter du Malaga F.C., pour qui le football marocain se limite à Larbi Benbarek et à Abellah Riahi, ancien joueur de ton club préféré ! Tu ne comprenais pas que je sois un fan indécrottable du F.C. Barcelone et que Djamel idolâtre le Réal Madrid !
Et toi, Djamel, tu voulais à tout prix que je soutienne ta « Khadra » contre l’Egypte ! Je préférais le jeu et la force des Pharaons, tout en détestant profondément le style et l’incompétence de leurs journalistes !
Pour ma part, je n’avais rien à défendre en football : ni nos Lions de l’Atlas ni notre WAC national ne brillaient. Je me contentais de vous taquiner ! Te taquiner, toi Pépé, en te rappelant que si l’Espagne est champion du monde de foot, c’est grâce au Barçà, ha, ha, ha ! Note que je suis un peu moins fan de l’équipe azulgrana depuis que le club s’est vendu au Qatar ! Mais bon…
Un autre sujet chauffait et parfois surchauffait nos rencontres !
Toi Djamel tu ne comprenais pas que l’on puisse être monarchiste au début du XXIème siècle ! Et nous le sommes, profondément, Pépé et moi, chacun à sa manière !
De mon ôté, je ne concevais pas que toi Djamel, l’intellectuel, l’ancien militant de gauche, puisse accepter qu’un président change la constitution de son pays pour rester au pouvoir et continue à se considérer comme légitime !
Je ne saisissais pas non plus que ton gouvernement, à toi Pépé, mon ami l’espagnol, le démocrate, puisse à la fois combattre l’ETA et ses séparatistes et trouver des justifications au Polisario et à ses séparatistes !
Cela ne nous empêchait pas de ferrailler durant des heures, sans jamais tomber d’accord, sans jamais nous manquer de respect ni d’estime à titre individuel.
Quand on discutait littérature, l’ambiance bouillonnait très vite.
Toi, Pépé, tu t’étonnais que certains de nos auteurs n’écrivent pas dans leur propre langue !
Et nous, Djamel et moi, nous nous payions ta tête en te rappelant que, pendant huit siècles, les trois quarts de l’Espagne parlaient et écrivaient en l’arabe !
Tout cela se déroulait dans la bonne humeur !
Tout y passait !
Tu voulais oublier le passé franquiste de l’Espagne, Pépé, pour ne retenir que l’extraordinaire réussite de votre expérience démocratique !
Vous évoquiez les années de plomb chez nous, dont je pouvais parler sans honte ni remords, n’ayant ni participé ni contribué!
Toi, Pépé, tu trouvais toujours à redire sur l’incapacité que nos dirigeants ont de ne s’entendre sur rien et de trouver toujours une occasion de se tirer dans les pattes, tout en échangeant les messages de circonstances les plus enflammés et les plus hypocrites.
Djamel et moi nous essayions de t’expliquer que chez nous dicton précisait « même si l’adversité est là, la politesse doit prévaloir » ! Tu ne comprenais pas et nous en rions tous les trois de bon cœur !
Quand on parlait de choses plus personnelles, tu nous sortais toujours ta critique de la polygamie. Comme si tous les marocains et tous les algériens étions polygames. Alors nous pour te remettre à ta place de « nouvel européen qui n’a pas encre chauffé sa place », nous te rappelions que le taux de violence envers les femmes était bien plus élevé dans ton Espagne démocratique que chez nous !
Bien sûr, tu n’y es pour rien : tu ne lèverais pas le ton et encore moins la main en face d’une femme, hidalgo que tu es !
Hidalgo : j’aime bien ce mot ! Il vient de « hijo de halgo », fils de quelque chose, en d’autre termes « wald an-nass », comme on dit chez nous !
Quand tu nous reprochais, toi le militant pacifiste et écologiste, la barbarie du sacrifice de milliers de moutons lors de l’Aïd El Kébir, nous te rappelions gentiment la barbarie encore plus barbare des jeux tauromachiques !
Tout cela n’a jamais empêché qu’entre nous trois règne une amitié sincère et profonde, mais surtout désintéressée !
Bon Dieu, si nos dirigeants pouvaient nous demander notre avis avant de s’engager dans leurs ridicules et stériles escarmouches, qui cachent le plus souvent de sombres affaires d’argent, de pouvoir et d’influence !
P.S. : Je ne peux nier le caractère naïf, puéril peut-être de ce billet, mais je tenais à le mettre en ligne, parce que je suis certain que beaucoup de citoyens marocains, algériens et espagnols s’y reconnaitraient plus ou moins !