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Filles d'Ariane

Publié le 06 janvier 2011 par Toulouseweb
Filles d’ArianeDes propositions académiques pleines d’impatience .
Le credo de l’Académie de l’air et de l’espace tient en quelques lignes : Ťl’Europe doit conserver une capacité autonome pour lancer tout type de véhicule spatial –petit, moyen ou lourd- nécessaire ŕ la sauvegarde de sa sécurité vitale et de ses intéręts commerciaux. En conséquence, la disponibilité de lanceurs pleinement européens pour répondre ŕ cet objectif doit ętre maintenue et renforcéeť.
Bien sűr, cela coule de source mais la dure réalité quotidienne est autrement plus complexe. Il s’agit en effet de procéder ŕ de nouveaux choix techniques complexes et coűteux qui engagent l’avenir ŕ l’horizon 2025 et au-delŕ. Et, simultanément, il convient de s’interroger sur la maničre dont est organisé l’effort spatial européen, les bases actuelles remontant aux années soixante-dix. Depuis lors, le monde a changé, notamment pour cause d’intéręts divergents entre responsables de l’Agence spatiale européenne, de la Commission européenne, du Centre national d’études spatiales et d’industriels trčs puissants et soucieux de rentabilité.
Un groupe de travail de l’Académie consacre un nouveau rapport trčs dense ŕ ce thčme, celui d’une souveraineté que le Vieux Continent se doit de préserver jalousement, face au développement d’une concurrence de plus en plus dynamique et ambitieuse (1). Ce n’est pas chose facile et la maničre de s’y prendre, au cours de ces derničres années, n’a pas toujours bénéficié d’un consensus, notamment en fonction de l’analyse qui en est faite par Arianespace, société de commercialisation dont la structure financičre mi-privée, mi-étatique, est tout ŕ la fois compliquée et vieillissante (elle sera réexaminée en mars).
Les dirigeants d’Arianespace rappellent sans cesse que l’entreprise fait la course en tęte. En 30 ans, elle a lancé trčs exactement 289 satellites pour 78 clients, soit plus de 50% des satellites commerciaux. Le lanceur Ariane 5 est réputé pour sa maturité technique et sa fiabilité. De plus, et c’est lŕ son principal atout, Ariane 5 est capable de lancements doubles, deux charges utiles accolées pour un maximum de 10 tonnes. Mais la masse des satellites tend ŕ augmenter, il faudrait aller ŕ 12 tonnes et disposer d’une capacité de rallumage du troisičme étage, ce qui suppose de gros investissements.
L’Académie estime qu’il conviendrait de développer sans plus tarder cette nouvelle version et, parallčlement, d’européaniser le petit lanceur italien Vega. Et, surtout, de lancer en 2015 le développement d’un nouveau moteur de grande puissance puis, deux ans plus tard, d’entreprendre l’étude d’une nouvelle génération de lanceurs ŕ qualifier en 2025. Par ailleurs, le męme rapport propose la mise en place d’un Centre européen des lanceurs, résultat de l’intégration des équipes du CNES et de l’ESA, étant entendu que serait aussi formulée Ťune proposition nouvelle pour le management industriel de la productionť.
Le langage académique, tout en précautions oratoires, ne dit pas quel a été l’impact d’un rapport demandé en 2009 par le Premier ministre français François Fillon et ayant pour thčme principal la Ťrelative inadaptationť d’Ariane 5 au lancement de satellites de taille moyenne. Une situation aggravée ŕ l’installation au Centre spatial guyanais de Kourou de moyens de lancement dédiés ŕ la fusée russe Soyouz, cela Ťpour des raisons politiques compréhensiblesť. On dit, l’Académie dit qu’il aurait mieux valu concevoir un lanceur moyen européen utilisant des éléments d’Ariane 5.
On confirme ainsi que tout n’est pas rose au sein de l’Europe spatiale. D’autant que Ťla situation financičre d’Arianespace est devenue intenableť, le marché n’étant pas vraiment Ťcommercialť. La nécessité de révisions déchirantes apparaît d’autant plus clairement. De grands anciens s’en inquiétaient depuis de nombreux mois, ŕ commencer par le premier président d’Arianespace, Frédéric d’Allest, qui avait poussé un cri d’alarme sous forme de lettre ouverte ŕ la Commission européenne et ŕ l’ESA. Une initiative inhabituelle, appuyée par d’autres poids lourds de la profession, notamment Roger Vignelles, ancien chef de projet Ariane et Yves Sillard, ancien directeur des lanceurs du CNES. L’équipe actuelle d’Arianespace n’avait pas apprécié…
De toute évidence, d’autres échanges nerveux se précisent, l’heure de grandes décisions approche ŕ grands pas.
Pierre Sparaco - AeroMorning
(1) ŤUne Stratégie ŕ long terme pour les lanceurs spatiaux européensť, un rapport de 120 pages, bilingue français-anglais, 15 euros, Académie de l’air et de l’espace, B.P. 75825, 31505 Toulouse Cedex 5.

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