• « AN OPEN CAGE »
Un évènement autour de John Cage
A partir du 26 janvier 2008 jusqu'au 29 février 2008
Sur une proposition d'Alphabetville, en partenariat avec : cipM,
M.O.D, Grim, G.M.E.M, F.I.D Marseille, R.I.A.M, Grenouille-Euphonia, EOEP
Alphabetville avec
le cipM, M.O.D, le Grim, le G.M.E.M,
le F.I.D Marseille,
les R.I.A.M, Grenouille-Euphonia et
l’EOEP, proposent une série de manifestations autour de John Cage.
Au programme, concerts, films, rencontres, conférences, programmes
radiophoniques, atelier d’écriture, se dérouleront dans divers lieux de
Marseille.
• « Du pareil au même »
Exposition de Jean-Luc Parant
du 25 janvier 2008 au 22 mars 2008
Vernissage le vendredi 25 janvier 2007, à 18h30
Lectures de:
Jean-Luc
Parant & Kristell Loquet
Kristell Loquet
Préface de « Copier n'est pas jouer »
[…] Le faussaire qui copie les œuvres de Joseph Beuys et Robert Filliou fait bien acte de résistance. Il ne profite pas d’un marché qui lui désignerait bien d’autres artistes à imiter, il se désigne lui-même comme le continuateur et le vengeur de ces artistes particuliers dont les œuvres continuent, tout comme de leur vivant, à être achetées à bas prix pour être revendues au multiple, le moment venu, à d’autres spéculateurs plus importants. Rien d’étonnant à ce que les sommes consenties par les marchands soient si peu élevées : si peu élevées qu’elles correspondent ironiquement aux valeurs de quelques faux.
Il y aurait, de la part du faussaire et à la base de son acte
de résistance, un refus voire un dégoût à jouer le « jeu artistique »
ou le jeu officiel tel qu’il se pratique de plus en plus aujourd’hui. Une
impossibilité due à une horreur instinctive du mensonge et du faux.
Si le faussaire est lui-même artiste, on saisit bien l’ambiguïté dans laquelle
il se trouve (semblable à celle du guerrier) : il participe à un marché
injuste et faux tout en ayant pour idéal individuel la justice et le vrai. Tout
comme un résistant pouvait et même se devait de saboter un bien commun comme
une ligne de chemin de fer (par une espèce de devoir d’insoumission), un
faussaire résistant aujourd’hui se doit, moralement, de saboter le système dont
il est victime. N’a-t-on pas traité Jean Moulin de terroriste ? On peut
alors entendre dire de l’artiste faussaire qu’il est un escroc, un bandit ou un
fou.
Un artiste, ouvert à tout, troué de toutes parts à l’égard du monde qui
l’entoure, est toujours en guerre mais surtout en résistance. Sa souffrance à
sentir le monde exister lui dicte ce devoir d’insoumission qui le fait
résister.
Si Jean-Luc Parant est bien entré en résistance, son travail d’artiste relève
non seulement de cela mais encore d’un certain esprit « de conquête ».
Benjamin Constant écrit (p.140, Écrits politiques, Folio Essais) :
« On a remarqué souvent que les joueurs étaient les plus immoraux des
hommes. C’est qu’ils risquent chaque jour tout ce qu’ils possèdent ; il
n’y a pour eux nul avenir assuré ; ils vivent et s’agitent sous l’empire
du hasard. »
Dans l’entreprise Parant, l’artiste ou le guerrier devient un joueur
« avec cette différence que son enjeu, c’est sa vie. Mais cet enjeu ne
peut être retiré. Il l’expose sans cesse et sans terme à une chance qui doit
tôt ou tard être contraire. Il n’y a donc pas non plus d’avenir pour lui. Le
hasard est aussi son maître aveugle et impitoyable. »
Benjamin Constant de continuer : « Or, la morale a besoin du temps.
C’est là qu’elle place ses dédommagements et ses récompenses. Pour celui qui
vit de minute en minute, ou de bataille en bataille, le temps n’existe pas. Les
dédommagements de l’avenir deviennent chimériques. Le plaisir du moment a seul
quelque certitude : et pour me servir d’une expression qui devient ici doublement
convenable, chaque jouissance est autant de gagné sur l’ennemi. »
Pour Jean-Luc Parant, qui vit de jour en jour, le temps
n’existe pas. Il risque chaque jour tout ce qu’il possède, l’artiste risque
chaque jour tout ce qu’il est. Rien, pour lui, n’est jamais acquis ou assuré.
Le hasard guide sa démarche, et son enjeu, sans cesse remis en jeu, est bien sa
vie même. On comprend que l’artiste ne puisse souscrire, dans ces
circonstances, à une morale ordinaire. Chaque jour qui passe est « autant
de gagné sur l’ennemi », dans une lutte ou une résistance qui, loin d’être
immorale, mais aussi loin d’attendre les récompenses d’une morale temporelle,
rejoint une morale cette fois intemporelle et sublimée. La morale privée de
l’artiste ne peut ainsi recouvrir complètement la morale sociale. […]
.../...
Extrait de '''Le Cahier du Refuge 165''' [à paraître, janvier 2008]
Jean-Luc Parant
« Copier n'est pas jouer »
« Bandit, voleur, voyou, chenapan !
C’est la meute des honnêtes gens
Qui fait la chasse à l’enfant. »
Prévert
Si je fais des boules et que j’écris des textes sur les yeux
c’est parce que je fais ce que l’on m’a appris et que l’on ne m’a appris qu’à
copier, qu’à recopier ce qui était écrit dans les livres, ce qui était écrit
dans la forme des mains, ce qui était écrit dans l’espace sans fin des yeux. Je
copie, simplement parce que l’on ne m’a appris qu’à réciter les mêmes textes
que tous ont appris, à mémoriser dans ma langue les mêmes mots que tous disent
autour de moi, et avec ces mots j’ai écrit mes textes sur les yeux.
Nous parlons et si nous nous comprenons ce n’est pas tant que nous parlons la
même langue mais c’est surtout que nous disons les mêmes choses avec les mêmes
mots. Je parle la langue que l’on m’a apprise, la langue que j’ai copiée autour
de moi en l’entendant. Si j’avais entendu une autre langue, je parlerais cette
langue. Je copie ce que mes oreilles entendent, ce que mes mains touchent, ce
que mes yeux voient. Je copie le monde qui m’entoure, tous mes sens copient le
monde qui m’entoure et que je vois, touche et entend. Ma vie est une copie de
la vie. Je copierai la mort des autres. J’existe parce que je ne suis qu’une
copie vivante d’un monde vivant, la copie d’un corps et d’une tête ; mes
mains la copie des autres mains qui me lient aux autres ; mes yeux la
copie de leurs yeux où seul mon regard me différencie d’eux [1] . Je ne suis
que la copie du monde, la copie de son mouvement continu, de sa lumière dans le
ciel, de son obscurité sur la terre. Je ne suis que la copie de ses contours et
de sa forme qui m’enveloppent.
Je fais des boules et j’écris des textes sur les yeux, mais je voudrais voir ce
qui n’a jamais été vu, toucher ce qui n’a jamais été touché, parler et dire ce
qui n’a jamais été dit ni entendu. Je voudrais copier ce qui n’a jamais été
copié, reproduire ce qui n’a jamais été reproduit. Je voudrais représenter avec
mes mains et mes yeux ce qui n’a jamais été touché et vu. Avec mes mains :
le visible, avec mes yeux : le touchable.
Je fais des boules et j’écris des textes sur les yeux parce que l’on ne m’a
appris qu’à répéter, qu’à répéter à l’infini, la terre que je touche et le ciel
que je voir [2]. Je fais des boules parce que l’on ne m’a appris qu’à copier,
et que je copie ce que toute main forme en touchant ; mais je fais des
boules aussi parce que, si je n’ai appris qu’à copier, en faisant des boules je
copie ce qui n’a jamais été copié, et chaque jour je recopie la boule que j’ai
copiée la veille. Je fais des boules pour ne pas copier ce qui existe déjà et
pouvoir sans cesse me copier moi-même. Je fais des boules mais je ne copie que
ce que mes mains forment en touchant, que ce que mes mains font naître en
remuant dans la terre, en tournant et retournant leurs paumes autour de la
matière. Je copie mes mains. Je ne copie que ce qu’elles savent faire en
bougeant leurs doigts tout autour de la terre, comme j’écris des textes sur les
yeux, mais je n’écris que ce que mes yeux font naître dans l’espace et sur la
page.
Je ne fais que copier, et pour ne pas copier ce qui a déjà été copié, je copie
ce que mes mains forment en touchant et ce que mes yeux délimitent en voyant.
Si mes mains font naître une forme en touchant, mes yeux délimitent un espace
en voyant et, comme je ne fais que copier, en faisant des boules et en écrivant
des textes sur les yeux je peux, en faisant encore des boules et en écrivant
encore des textes sur les yeux, continuer à copier en me copiant moi-même.
Copier avec mes boules mes textes, copier avec mes textes mes boules. Avec le
touchable copier l’intouchable, avec la nuit copier le jour, avec le jour
copier la nuit. Je suis un copieur de la terre et du soleil, un copieur du
monde. Mes boules et mes textes sur les yeux sont une copie du monde, le monde
derrière le visible et derrière le touchable, le monde que nous ne connaissons
pas, ni avec les yeux ni avec les mains, le monde qu’un nouveau sens seulement
peut saisir. Car si l’infini s’est empreint sur moi dans mes mains et dans mes
yeux, il s’est aussi empreint en moi, dans mon corps et dans ma tête, dans la
circulation de mon sang et de mon cerveau, rien ne le montre, personne ne le
voit mais nous pouvons chacun le répéter au-dehors, le réinventer visible et
touchable à la lumière de nos yeux et sous l’obscurité de nos mains.
Nous sommes chacun du même univers, notre chair et notre peau le recouvrent et
le cachent mais il nous est commun. L’univers nous est commun, l’intérieur de
notre corps nous est commun. Seule l’apparence nous différencie. Seuls le ciel
et la terre, seuls nos yeux nous différencient. Avec l’univers et notre corps
tout entier, nous ne sommes plus uniques, nous nous confondons tous ensemble.
Nous sommes tous réunis dans l’infini et tous séparés sur la terre. Nous sommes
multiples dans l’univers.
Si nous ne voyons pas l’extérieur de nous-mêmes, mais seulement l’extérieur des
autres qui nous entourent, et que nous ne voyons pas plus l’intérieur de
nous-mêmes ni l’intérieur des autres qui nous entourent, c’est pour que nous
puissions rester proches des autres : par l’intérieur invisible d’eux-mêmes
comme de l’extérieur invisible de nous-mêmes. Proches aussi par l’intérieur
invisible de nous-mêmes comme de l’intérieur invisible d’eux-mêmes, eux dont
nous ne voyons que l’extérieur et qui sont si loin de nous sur la terre, comme
séparés par un espace encore plus grand que le ciel.
Nous sommes pleins de l’infini. L’infini déborde de nous, il déborde par toutes
les ouvertures de notre corps et nous éloigne des autres autour de nous. Il
déborde par nos yeux et nos oreilles et se déverse devant nous, derrière nous
jusqu’à nous laisser seuls, aveugles et sourds. Il déborde par notre bouche et
notre sexe jusqu’à nous séparer de tout, nous laissant muets et intouchables.
Nous débordons d’espace, tout se continue à partir de nous et autour de nous.
Nous avons empli le monde jusqu’à l’horizon. Nous voyons parce que nous avons
débordé jusqu’à inonder le vide sans fin. Le ciel existe parce que nous l’avons
recouvert de nos yeux. La terre sous nos pieds n’est que le prolongement de nos
jambes et de nos bras, de nos pieds et de nos mains qui la foulent et la
touchent. Nous sommes immenses comme l’infini mais aussi à la fois très petits
comme l’infime. Nous sommes deux, doubles, quadruples, sextuples, octuples.
Nous sommes multiples [3]. Nous sommes plusieurs, nous ne sommes pas tout
seuls, nous sommes des milliers, des millions. Une infinité nous contient tous.
1 Dans les yeux de chacun, il y a comme une dimension différente, comme les
animaux se différencient par la dimension de leur corps.
2 Si les yeux s’ouvrent sur les images, les mains s’ouvrent sur les reliefs. Si
nos mains nous cachent les images, nos yeux nous les montrent. Si nos mains
nous montrent les reliefs, nos yeux nous les cachent. Nous sommes sans cesse
dans la nuit et dans le jour ou dans le jour et dans la nuit, comme la terre
est sans cesse dans la nuit et le jour ou dans le jour et la nuit.
3 Si toutes mes boules sont des copies de la première, et tous mes textes des
copies du premier, mes boules sont aussi la copie de mes textes et mes textes la
copie de mes boules
.../...
Extrait de '''Le Cahier du Refuge 165''' [à paraître, janvier 2008]