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Le chant des sirènes

Publié le 06 janvier 2011 par Corboland78

Hier, comme tous les premiers mercredis du mois à midi, le chant lugubre des sirènes résonne sur la ville. Indifférents, nous vaquons tous à nos occupations. Le carillon des cloches de l’église le dimanche pour la messe ou le samedi pour un mariage, le cri de la sirène en début de mois, ces musiques attirent à peine notre attention tant elles nous sont familières.

Seul leur silence pourrait encore nous alerter, d’ailleurs combien de fois me suis-je fait cette réflexion n’ayant pas entendu hurler la sirène de la caserne des pompiers depuis longtemps, « Tiens ! On n’entend plus la sirène ? ». Etonné, déconcerté par cette perception d’un vide, par cette absence silencieuse, plutôt que par la stridence connue. « On façonne l’argile pour en faire des vases, mais c’est du vide interne que dépend leur usage » nous enseigne Lao-tseu.

Quant au branle des cloches de Saint-Vigor il ne me parvient qu’aidé et porté par le souffle du vent d’ouest et encore faut-il que je tende l’oreille. Autant dire que lorsque je suis chez moi, ce n’est qu’à la nuit tombée, du fond de mon lit et si le vent est favorable que je perçois l’écho des heures qui s’égrènent dans le lointain.

Si mon oreille – à m’escrimer à faire de jolies phrases vous pourriez penser que je suis malformé ou handicapé, mais j’en ai une paire comme tout le monde, d’oreilles ! – s’accommode facilement du beuglement des sirènes ou d’une volée de cloches en folie, elle supporte beaucoup moins bien le tintamarre du camion qui ramasse les poubelles. Ca y est, je n’ai pas pu m’en empêcher, nous étions en pleine poésie musicale et patatras ! le décor s’écroule, nous voici plongés dans le trivial. Que viennent faire les éboueurs dans ce court instant de bonheur quasi bucolique me demanderez-vous ? Ils sont pourtant partie prenante dans le grand orchestre urbain, notes dissonantes, fracas métallique, ils sont la touche de modernité sonore qui nous tire de notre rêverie au mieux, de notre sommeil au pire quand ils passent de bonne heure. Les entendre fait souffrir nos oreilles, ne pas les ouïr signifie qu’ils sont en grève et fait souffrir nos narines.

On peut aimer les violons et détester la timbale, mais c’est le mariage parfait entre tous les instruments d’un grand orchestre qui révèlera la beauté d’une symphonie, même si plus prosaïquement mes cloches, sirènes et poubelles ne jouent qu’une symphonie de l’ancien monde.   


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