La jonte (4)

Par Elisabeth Leroy

Au-delà du pont de Capelan, à mi-distance entre sa source et son confluent, la Jonte pénètre dans les gorges qu'elle a creusées comme un fil à beurre dans les parois des causses : au sud, le Causse Noir confronte le Causse Méjean campé sur la rive droite. Durant 21 kilomètres, la Jonte serpente au fond d'un canyon sauvage encadré par des escarpements hauts de 400 mètres et couronnés par les reliefs extravagants des dolomies ruiniformes. celles-ci constituent les corniches des Causses et sont de gigantesques balcons, des belvédères grandioses et vertigineux au-dessus desquels aiment planer de grands vautours indifférents au grondement sourd montant de la rivière, à moins que ce ne soit celui du vent dans les ramures des pins. Il est surprenant de constater combien les deux versants des gorges sont dissemblables. Les pentes du Causse Noir sont celles de l'ombre : sur cet ubac, pins et hêtres couvrent entièrement la roche alors que côté Méjan, l'adret est sporadiquement habillé de rouvres (chène pubescent) et de buis rabougris. Sur ce versant ensoleillé, les touffes d'amélanchier laissent souvent deviner l'entrée mystérieuse d'une grotte inaccessible dans laquelle il y a 4 500 ans les premiers pasteurs inhumaient leurs morts alors que d'autres baumes ont servi de cachette et de refuges pendant les périodes de guerres.