A l’aube de cette nouvelle année, alors que chacun dresse – ou non – la liste de ses bonnes résolutions, quel est l’état d’esprit des Français ? Quel bilan dressent-ils de 2010 ? Qu’espèrent-ils ou plutôt qu’attendent-ils des mois à venir ? 2011 leur apparaît-elle comme une année prometteuse ?
2010 ne laissera pas vraiment un bon souvenir aux Français…
49% des Français estiment que l’année 2010 aura été pour eux et pour leurs proches une année positive, et seulement 3% une année très positive. A l’inverse, une courte majorité (51%) tire de l’année écoulée un bilan global négatif et même 12% un bilan très négatif.
Le constat est légèrement plus morose que l’année dernière (-2 points d’opinion positive), année pourtant déjà décrite comme ‘annus horribilis’. Il confirme aussi la difficulté croissante des Français à établir une distinction nette entre leur situation personnelle et la situation du pays. En effet, il s’agit d’une constante dans les sondages d’opinion : les personnes interrogées ont toujours tendance à juger que le pays va mal, mais que pour leur part, ils vont plutôt bien. Les études réalisées dans le cadre de l’Eurobaromètre illustrent souvent ce paradigme. Pourtant, ces chiffres mitigés montrent qu’à l’heure du bilan introspectif, les Français ont de plus en plus de mal à voir les choses en rose pour eux-mêmes et leur entourage, y compris les jeunes. Si ceux-ci restent plus positifs que leurs aînés, ils subissent la plus forte baisse : 58% adoptent un regard rétrospectif positif sur 2010 contre 66% l’année dernière.
Il faut dire que 2010 a été ponctuée d’événements et de dossiers rendant difficiles les réjouissances. Interrogés sur les événements qui les ont le plus marqués au cours des douze derniers mois, les Français choisissent en première position la réforme des retraites et la contestation sociale qu’elle a engendrée (27% au premier et 46% au total). Cet événement arrive en première position parmi quasiment toutes les catégories de la population. Viennent ensuite le tremblement de terre à Haïti (26% et 43%), devant la crise de l’Euro et les difficultés de la Grèce et de l’Irlande (14% et 30%), fait qui a particulièrement marqué les cadres et professions libérales (27% et 37%).
La dernière vague du baromètre des préoccupations des Français réalisée fin novembre par TNS Sofres démontre quant à elle la persistance des préoccupations économiques et financières : l’emploi occupe toujours la première position (75% stable), devant le pouvoir d’achat (49%, +6 points) et le logement (28%, +4 points), ), certes en quatrième et en neuvième positions mais en hausse.
Ce sont donc les préoccupations économiques et sociales et les divisions qui ont marqué l’année 2010 de leurs empreintes. Dans ce contexte, même la déroute de l’équipe de France de football lors de la première phase de la Coupe du Monde en Afrique du Sud a pu être analysée comme le symbole d’une France incapable de se fédérer et d’aller de l’avant.
Face à un tel compte-rendu, on voit mal comment l’optimisme pourrait être de mise pour 2011…
… et 2011 ne s’annonce pas sous de meilleurs auspices
En effet, les Français peinent aujourd’hui à faire preuve d’optimisme pour eux-mêmes et surtout pour la société française.
Alors que l’année dernière, à la même période, 60% des Français se déclaraient optimistes pour eux-mêmes et leurs proches concernant l’année à venir, ils ne sont plus que 53% cette année. Cette baisse affecte surtout les femmes (53%, soit une baisse de 11 points), qui rejoignent ainsi le score des hommes. Un autre sondage montre que 37% des Français craignent que leur situation personnelle soit pire en 2011 qu’en 2010, ce qui constitue une hausse de 13 points par rapport à la vague précédente.
Si les Français sont mitigés quant à l’avenir de leur situation personnelle, ils se montrent quasi unanimement pessimistes à l’égard de l’évolution de la société française en 2011, et particulièrement sur les dossiers qu’ils jugent pourtant les plus urgents. Seuls 14% se montrent optimistes sur le front de l’emploi et 16% en ce qui concerne l’évolution du pouvoir d’achat. Même sur les dossiers les plus consensuels comme l’environnement (31%) ou ceux les plus portés par le gouvernement comme la dépendance des personnes âgées (28%), la sécurité (21%) ou encore les déficits publics (16%), seule une minorité de Français entrevoit des avancées possibles.
Si la tendance à l’amélioration n’est pas envisagée sur tous ces fronts, c’est que les Français ne croient toujours pas à une sortie de crise. Les difficultés débutées en 2008 ne semblent jamais devoir finir. Seuls 18% pensent aujourd’hui que la France sortira de la crise en 2011 alors qu’ils étaient 33% il y a un an ! Et 61% estiment que 2011 sera une année de difficultés économiques par rapport à 2010.
Une année 2011… de transition ?
Si la situation économique n’incite guère à l’optimisme, c’est que le manque de confiance dans les acteurs politiques et sociaux rend toute perspective d’amélioration difficile à espérer.
- la confiance dans le gouvernement est au plus bas (24% de confiance pour Nicolas Sarkozy selon le dernier baromètre TNS Sofres).
- les Français ne voient pas dans les Gauches – toutes empêtrées à se trouver un candidat – des alternatives crédibles. Un sondage récent réalisé par Harris Interactive montre ainsi que seuls 36% des Français feraient confiance au Parti Socialiste pour mener une politique correspondant à leurs attentes s’il était amené à exercer des responsabilités politiques au niveau national. Cette proportion est de 35% pour Les Verts/Europe Ecologie, 19% pour le Parti de Gauche, 16% pour le Front de Gauche et le NPA, et 12% pour le Parti Communiste et Lutte Ouvrière. Le MoDem n’est guère mieux placé avec 27% de confiance.
- les syndicats peinent à remobiliser suite aux protestations contre la réforme des retraites. Si la confiance à leur égard a eu tendance à progresser suite à la mobilisation, ils ne sont pas parvenus à donner un second souffle ou une autre forme à la mobilisation suite au vote des parlementaires.
Dans ce contexte, les Français s’attendent sans doute à ce que 2011 – phagocytée entre une année 2010 marquée par la réforme des retraites et une année 2012 placée sous le signe de l’élection présidentielle – soit avant tout une année d’immobilisme au niveau de l’action politique, chacun des principaux acteurs plaçant ses pions dans la perspective du combat à venir et réglant ses problèmes internes avant de se pencher sur ceux des Français. En se déclarant aussi défaitistes, les Français espèrent peut-être au fond d’eux se protéger de désillusions, pensant qu’il vaut mieux être agréablement surpris que douchés dans leurs espérances…