Appel a participation, l'autre musique - corps-peau

Publié le 05 janvier 2011 par Desartsonnants

L'AUTRE MUSIQUE
REVUE NUMÉRIQUE N° 1
CORPS-PEAU
 


L'autre musique se propose de penser autrement la recherche musicale. Une perspective esthétique et poïétique neuve et transdisciplinaire.
Appel à participation pour la revue numérique numéro 1.
Problématiques proposées: Corps_peau (voir développement plus bas)
Date limite d’envoi des propositions : 28 Février 2011 à contact@lautremusique.net
Article: Proposer un résumé de 5000 signes. contact@lautremusique.net

Œuvres: Proposer tous les liens, et les textes susceptibles d'expliquer l’œuvre et la démarche proposée. Prévoir pour la publication numérique un texte explicatif qui articulera l’œuvre à la problématique proposée. contact@lautremusique.net
Date de la réunion du comité scientifique: première quinzaine de mars.
Propositions choisies à rendre le 31 mars 2011 au plus tard.
Publication prévue pour mi-avril.


Développement
Dans cette ouverture, le sujet n'est pas de discuter des axiomes qui découvrent les problématiques de recherches de l'Autre Musique sous la thématique du corps, comme il ne s'agit pas non plus de déterminer un champ d'investigation dont on ne pourrait s'échapper. Nous voici, au contraire, auscultant1, par le prisme d'un désir personnel, les grosseurs, les nœuds apparents pris dans le tapis du sol de l'atelier où se rencontrent la peau, le corps et le sonore dans toutes leurs dimensions.
Ces nœuds ou ces figures sont indiquées à titre d'illustrations de ce que veut être l_autre_musique : une articulation dynamique des réseaux de figures et d'opérations propres à retourner à l'atelier, qui pourront faire germer d'autres connections et d'autres réflexions après mastications et savourations. Bref, nous espérons qu'elles serviront d'embrayeur créatif comme elles le sont pour nous.
Depuis l'avènement du son dans la pensée musicale, le corps et l'enveloppe sonores sont apparus comme des concepts opérants. Peut-on parler d'une chair du son ? Les approches scientifiques du phénomène sonore n'invitent pas à une pratique sensuelle.


Cependant, une approche métaphorique du musical et de sa pratique, où se file et se faufile la corporalité, n'en demeure pas moins d'une grande richesse poïétique. Mais peut-être s'agit-il de faire la peau à la musique, celle encore cloisonnée dans un formalisme hérité de quatre siècles de pratique ethnocentrée, qu'une pensée plastique au travail se propose d'achever en invoquant la peau et la chair du son. En effet, certains artistes, souvent issus d'un cursus relevant des arts plastiques et qui se revendiquent aujourd'hui de l'art sonore, tentent d'affirmer, avec plus ou moins de succès, la primauté matérielle du son, sa chair jusque dans ses plus profondes vibrations. Et, à considérer le son comme un matériau, nous ne pouvons plus nier tous les corps en présence dans une œuvre sonore y compris dans sa forme augmentée, qualifiée d'art sonore. Car la musique est avant tout une topologie des corps, topologie dont la combinatoire se précipite dans les corps-recevant, à l'abandon, des audio-spectateurs soumis au corps-excitant du musicien et/ou au corps-expulsant de l'instrument.


Et, si nous pouvons constater facilement que le sonore peut rassembler du corps, qu'il peut être un formidable moyen de regroupement social (fête, rave, concert...), peut-il, pour autant, explorer l'intime? Nous l'aurons compris, les deux questions associées aux figures « corps » et « peau » sont « l'intime » et son pendant le « vivre ensemble », pour reprendre une dénomination barthésienne.
Ces deux problématiques ouvrent et complètent la question de l'art sonore et de ses relations avec le corps et la peau. Et, insistons lourdement, elles permettent à l'Autre Musique de ne pas se confiner dans une réflexion au ras des pâquerettes ésotériques d'une esthétique surannée. Un petit détour du côté des usages sociaux s'impose.
En effet, s'il faut des corps pour faire de la musique, la musique est aussi un formidable outil de domestication des corps, et dans le même temps, une peau, un abri, une identité.
Qui ne s'est pas senti agressé par la musique d'un téléphone portable écoutée à plusieurs et à tue-tête, ou par le consumérisme radiophonique dispensé sur le quai des RER, ou encore par l'écoute un peu trop forte de la radio du voisin de palier ? Kant reprochait déjà à la musique et au son leur manque d'urbanité. Et pourtant, si le son déroge pour l'un, il réalise l'autre, dans le même moment. Si j'écoute de la musique dans le train sur des enceintes de piètre qualité, encombrant le wagon de mp3 nasillards, ce n'est pas pour jouer l'écoute esthète de l'amateur avec les quelques amis qui m'accompagnent. Le son et la musique ont à assumer aujourd'hui d'autres fonctions, ils sont aussi des signes. Ce son que j'entends est comme cette casquette NYC mal engoncée sur la tête, comme ce caleçon qui dépasse d'un pantalon et comme cette nouvelle pratique d'écoute. C'est un usage social qui a pour fonction de signer le corps social auquel j'appartiens et dans lequel je me reconnais. Comme un parfum qui se répand, il définit une frontière floue qui détermine mon intimité sociale tout en affirmant mon appartenance à un groupe. Le son et la musique ont alors toutes les fonctions de la peau : enveloppe, interface et communication.
Mais c'est une peau à la fois plus impalpable et plus ostentatoire : regarder cet autre qui veut écouter sa musique au casque. Autre usage social de la musique, l'individu est recroquevillé comme quelqu'un qui lit, mais laisse parfois apparaître son entrain par quelques battements de pieds. Il s'est enfermé dans sa propre écoute, « je suis tout entier dans mon oreille » dit-il, son écoute parachève son territoire. Sa playlist est devenue une construction mentale, une enveloppe psychologique qui a pour fonction de définir un caractère, et comme l'ont bien compris les sites de musique en ligne, une autre façon de définir un réseau social. Pour satisfaire mon nid sonore, j'érafle les sons de quelques marques prêt-à-porter, on m'organise alors une frontière vaporeuse, un nuage de tags : régression collective dans un liquide amniotique sonore qui nous rappelle que notre désir d'écoute est né des sons de la carcasse de la mère (voix, digestion et sexualité) ou nouveau système d'assujettissement algorithmique ?


Nous tentons de faire apparaître les grosseurs, les nœuds de cette brève réflexion en utilisant une police de caractère plus grasse. Nous n'avons pas peur de filer les métaphores.


Mathevet Frédéric.
Docteur en Arts
Plasticien-chercheur
associé à l' IDEAT
(UMR8153) ParisI_CNRS
Panthéon-Sorbonne
8, rue candale
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