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Tomié est une fille collante. Quand on croit s’en être débarrassé, elle revient toujours à la charge. Tuée, brûlée, découpée, charcutée, rien n’y fait : elle se régénère ou renaît, parfois aux dépends d’un hôte malchanceux… Le manga de Junji Ito a été adapté de multiples fois au cinéma et en vidéo, et semble t’il de manière pas toujours heureuse. Tomie : Replay, réalisé par Tomijiro Mitsuishi et sorti en 2000, semble se placer dans le haut du panier. Une adaptation léchée et assez libre des chapitres L’hôpital Morita et La pièce du sous-sol, du tome un…
Un hôpital. Une jeune fille est emmenée à toute vitesse vers une chambre pour être opérée. Son estomac est hypertrophié, comme si un alien allait en sortir d’une seconde à l’autre. Sauf qu’au lieu d’un xénomorphe, c’est l’oeil de Tomié qui apparaît dans l’incision, avant que sa tête s’extraie complètement du pauvre bidou de la petite fille… Depuis, les docteurs qui opéraient ont disparus et les infirmières sont devenues folles. Yumi Morita, fille d’un des docteurs, souhaite retrouver son père et assistera médusée au suicide de son collègue… Avant de se tuer, celui-ci lui a laissé le journal de son père. Elle y apprend l’existence d’une certaine Tomié qui serait la cause de leur dérive…
Voilà donc Yumi lancée à la poursuite de Tomié, en compagnie de Fumihito, un jeune homme rencontré par hasard, dont un proche ami a été rendu dingue par la diablesse. Les fans du manga ne seront pas dépaysés : Tomié continue d’envoûter les garçons par sa seule présence, pour les rejeter ensuite et se faire dépecer. Mai Hosho, la Tomié du film (vue dans Suicide Club), joue de son air perdu pour attendrir ses proies, mais dans ses moments maléfiques, elle est prise de fous rires et se moque grassement des humains. Elle n’est pas pour autant terrifiante, le film restant assez soft à ce niveau-là. Pas de déformation ignoble, de mutation dégueulasse, tout reste plus suggéré que montré, ce qui nous permet plus d’imaginer la souffrance des personnages, au lieu de jouer sur l’horreur délirante. Le film possède quand même quelques passages angoissants, notamment dans l’hôpital, et surtout pour les lecteurs d’Ito qui savent mieux que quiconque ce qui s’y passe en secret…
En fait, l’optique du film n’est pas spectaculaire : son rythme assez lent, dans la réalisation comme le jeu d’acteur, accentue les dialogues et les relations. Entre Yumi et sa mère, tout d’abord, qui partagent quelques moments en espérant le retour du père ; et entre Yumi et Fumihito, rapprochés petit à petit par leur quête commune. Le réalisateur semble plus intéressé par les souffrances des victimes que par les attaques de Tomié. C’est un parti-pris d’autant plus intéressant qu’il est absent du manga. Quelques scènes ici et là sont d’ailleurs très jolies… A côté de ça, l’enquête se suit bien même si la fin ne laisse pas trop de doutes : c’est comme Titanic, on sait comment ça se termine. Mais les détails restent intéressants, comme le film dans l’ensemble, d’ailleurs, une tentative originale de voir cette histoire sous un angle plus psychologique, tout en assurant quelques scènes stressantes. Et avec ça, de jolis plans agréables à regarder, ce qui ne gâche rien. J’attends juste d’en prendre un peu plus dans la gueule avec les autres titres, wait and see…