Je n’aurais jamais pensé que le lecteur lambda pouvait avoir des droits! Pourtant, Daniel PENNAC les a énumérés dans son essai « Comme un roman » paru chez Gallimard en 1992.
Mon propos ici ne portera pas sur l’ouvrage de Daniel Pennac que je n’ai pas encore lu. J’en retiendrai juste la liste des « droits imprescriptibles du lecteur ».
Après tout, des droits du lecteur, pourquoi pas ?
Lire constitue un acte qui devrait être tellement naturel et il est normal, et même utile, que le lecteur puisse jouir de droits, fixés et respectés.
En ce qui me concerne, je crois en avoir fait usage, spontanément, sans y réfléchir.
Voyons en quoi consisteraient donc ces droits, selon Daniel Pennac et comment je les envisage.
1. Le droit de ne pas lire.
En effet, pour être un lecteur libre de ses choix, il est normal de choisir de ne pas lire ! Dans quel monde vivrions-nous si nous devions tous lire les mêmes livres !
2. Le droit de sauter des pages.
Choisir de lire un livre n’implique pas forcément à le lire, du premier mot jusqu’au dernier. Tel livre peut être apprécié pour ses dialogues, celui-là pour ses descriptions, cet autre pour ses analyses psychologiques : chacun puisera son plaisir là où il pense le trouver, sans avoir à supporter les parties du livre qui ne l’inspirent pas ou qui ne conviennent pas à son humeur du moment.
3. Le droit de ne pas finir un livre.
Ouvrir un livre ne signifie pas que l’on passe un contrat avec l’auteur nous obligeant à le finir ! Que de livres n’avons-nous pas refermés après la lecture de quelques pages, n’y trouvant pas ce je ne sais quoi qui accroche !
4. Le droit de relire.
Par contre que des livres n’avons-nous pas relus, chaque fois avec un plaisir renouvelé, chaque fois avec un regard nouveau, chaque fois avec une approche différente ! Pour ma part, je pense à « LA PESTE » d’Albert Camus, que j’ai dû lire une dizaine de fois.
5. Le droit de lire n’importe quoi.
C’est, je crois, le droit le plus fondamental du lecteur, adulte et responsable s’entend : lire ce qu’il veut, sans retenue aucune, se laisser aller à son feeling, ne pas être assujetti à la dictature de la critique et des choix des jurys des grands prix, ne pas obéir aux tendances de la mode et surtout ne pas tomber dans ce que j’appellerai « l’intellectualisme » ! Le fait de prendre un livre sur l’étagère du libraire juste parce que le titre nous interpelle, ou que l’illustration sur la couverture nous apostrophe, que le format ou que le nom de l’auteur ne nous laisse pas indifférent, procure un plaisir encore plus grand si l’ouvrage est intéressant ! Le droit de lire n’importe quoi procure le plaisir de la découverte !
6. Le droit au bovarysme (maladie textuellement transmissible).
J’avoue avoir mis un certain temps à comprendre ce droit, car je ne voyais pas comment la lecture pouvait ouvrir le droit à une « pathologie » qu’il serait trop long ici d’exposer.
Mais finalement, je crois bien que Pennac a raison : certains livres nous font oublier la réalité et nous entrainent dans le monde où l’auteur nous entraine. Sans ce droit au « bovarysme », ce genre de voyage s’avérerait difficile.
Pour faire cour, je crois que le lecteur a le droit d’être ouvert et réceptif à toutes les propositions.
7. Le droit de lire n’importe où.
Droit légitime s’il en ait, mais parfois difficile à exercer. Lire en étant confortablement installé dans son lit peut constituer un plaisir très difficile à savourer si la personne avec laquelle vous partagez votre couche ne supporte pas la lumière ou est allergique au crissement des pages tournées !
8. Le droit de grappiller.
Ce droit est en fait la synthèse des droits énoncés sous les numéros 2, 3 et 4.
Ouvrir un livre, s’y promener en glanant une phrase par ici, une autre par là, en butinant d’une page à l’autre, en récoltant réflexion après figure de style, le refermer pour y revenir et reprendre la lecture dans d’autres circonstances qui feront ressentir différemment ce que l’auteur voulait nous transmettre.
Oui, grappiller représente surement l’un des droits les plus agréables à exercer pour le lecteur.
9. Le droit de lire à haute voix.
Lire à haute voix est parfois une nécessité pour une totale appréhension du texte, parfois pour sa simple compréhension.
Si la poésie ne peut être appréciée que si elle lue à haute voix, certains textes n’atteignent toute leur magie que si le son vient compléter le travail de l’auteur. Je pense au conte, par exemple.
10. Le droit de nous taire.
Je ne partage pas tout à fait l’idée de se taire, une fois une lecture terminée. En parler, confronter sa propre approche d’un texte avec d’autres, partager le plaisir ou le déplaisir perçu à la lecture d’un livre, peuvent un moment d’intense intérêt. Garder pour soi le sentiment produit pour un livre me parait un acte désobligeant pour l’auteur, quelque soit ce que l’on ait à dire du livre !
Cette liste, qui n’est certainement pas exhaustive, me parait bien sympathique.
Mais à mon sens, elle n’a de sens que si le lecteur se voit aussi placé face des « obligations ».
Je n’y ai jamais réfléchi, mais cela pourrait être l’obligation de garder une trace écrite de ses lectures, l’obligation de les partager avec ceux qu’on aime et qu’on apprécie, l’obligation de faire en sorte que la lecture devienne une habitude chez d’autres personnes, notamment chez les enfants !
Bien que Daniel Pennac affirme dans son essai que « le verbe lire ne supporte pas l’impératif », il est possible sinon recommandable d’œuvrer auprès des jeunes pour les préparer à l’amour des livres et de la lecture ! Sans recours à l’impératif, certes ! Ce serait l’obligation la plus agréable de tout lecteur qui se respecte !