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Girafe

Publié le 05 janvier 2011 par Jlhuss

9877_fond-ecran-girafe.1294095822.jpg « Grand mammifère artiodactyle, à cou très long et rigide, à pelage roux marqué d’un système de raies claires formant un cloisonnement polygonal. »
Que semblez-vous insinuer, Robert, avec votre « système de raies » et votre « cloisonnement polygonal » ? comme si la grande tramait quelque chose, codait on ne sait quel plan, quelle intelligence avec l’ennemi relayée par deux cornes profilées en antennes de cibiste. Je vous assure qu’il n’y a pas plus bénin que cette dégingandée aux yeux de biche, mannequin vedette chez Savane pour l’indémodable « ensemble puzzle ». Une star qui n’a pas la folie des grandeurs. Elle loge au huitième sans ascenseur, mange à tous les étages sans perdre la ligne, descend pour boire en écartant les jambes, inélégance dont même l’hippopotame n’a pu la convaincre de se corriger.

Elle est nature. C’est déjà ce qu’appréciait en elle Noé dans l’Arche. Et serviable. Quand il lui demandait de prendre le quart pour relayer le singe au mat de misaine, cette figure de proue n’avait qu’à pivoter de la tête pour scruter l’horizon sur 180°. Le savant Hrodbehrt objectait que le mutisme de la grande, quoi qu’elle aperçût d’insolite, ne serait pas d’un grand secours ; à quoi le Patriarche répondait que le guet en soi est bon pour le moral, et de toutes façons inutile quand les voies du Seigneur sont impénétrables.

Curieusement ignorée des fabulistes. Ce n’est pas que la girafe soit dévergondée, c’est qu’elle n’a pas de morale : quelle leçon tirer d’une bête grande et douce, qui vit à son niveau sans léser personne ? Elle a de la hauteur mais pas de vanité. Voilà ce qui pourrait inspirer le moraliste. Ajouter à cela que voir les choses de haut ne rend pas forcément plus intelligent ni plus heureux ; vous évitez seulement le ridicule du scarabée, qui prend une motte pour une montagne, un pet de phacochère pour un ouragan, un pas de rhinocéros pour un séisme. Certes, de sa tour de contrôle la girafe ne contrôle rien, elle voit venir et c’est déjà beau pour semer à l’amble le petit malin qui rêverait de se pendre à son cou. Même le lion y regarde à deux fois ; se sentir toisé de six mètres en impose à sa Majesté.

Ah ! le cou de girafe… Où mon grand-père avait-il pris qu’il était gustatif ? Il me le fit croire enfant (comme à la « graine de lapin rouge » qu’il m’envoya demander à mon père un matin de premier avril). « Que j’aimerais être girafe, me disait-il sans rire. Deux mètres cinquante de cou pour savourer ce Coulanges et ce petit salé au chou ! » Et j’allais répétant doctement cette chimère ; je m’élonguais les cervicales et me tapotais la glotte en déglutissant le caramba, devant des maîtres et condisciples incapables de croire qu’on pût entasser les bons points en étant si bête

Arion

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Proverbe du jour :

Surplomb tranquille et sabot sûr
Font mieux que griffes ni denture.


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