Un PDG du top 100 au Canada gagne en moyenne 155 fois le salaire du travailleur canadien, selon le Centre canadien de politiques alternatives. Le travailleur gagne $21,50 l’heure, le PDG : $3.300.
Le coupable ? En grande partie, la guerre au talent. Les entreprises surenchérissent pour attirer un PDG. Et cette guerre traverse les frontières. La Chine cherche des gestionnaires étoiles aux quatre coins de la planète. Les Japonais, qui achètent de plus en plus d’entreprises étrangères, essaient d’attirer des PDG européens, américains et même canadiens. En Europe, le salaire des PDG grimpe depuis 10 ans, résultat de la concurrence pour le talent.
La faute aux conseils d’administration…
Pour freiner la surenchère des salaires, on suggère souvent d’établir le salaire du boss en le comparant avec celui d’un groupe de concurrents. Le hic : les dirigeants ont tendance à inclure dans le groupe des entreprises qui payent mieux. Il y a deux ans, les dirigeants d’un petit producteur d’acier américain voulaient mettre le géant Alcoa dans le groupe de référence. La moitié des cadres supérieurs auraient profité d’une augmentation. Le conseil d’administration a refusé. Mais si le PDG préside aussi le conseil, ou est copain-copain avec le conseil — comme c’est souvent le cas —, le truc fonctionne et les salaires continuent de grimper.
L’autre idée en vogue : payer le PDG en fonction de ses performances à long terme. Si le PDG reçoit un boni annuel de $100. 000, par exemple, on lui donnera une partie de ce boni seulement dans 2 ou 3 ans, si l’entreprise atteint ses cibles. Mais trop souvent, le conseil d’administration contourne la règle. Il offre des actions ou des bonus sans condition de performance, parce qu’il craint de perdre un gestionnaire étoile. On revient à la case départ.
…ou aux gouvernements ?
Le marché demeure le meilleur juge de ce que vaut un PDG. Si celui-ci crée de la richesse, il mérite son salaire. Mais cette logique doit s’appliquer dans les deux sens. Quand l’entreprise en arrache, le salaire aussi doit baisser.
Trop souvent, le gouvernement se met dans le chemin. Et les contribuables se retrouvent à financer par la bande les salaires démesurés des PDG.
Aux États-Unis, les banques de Wall Street viennent de conclure les deux années les plus profitables de leur histoire. Pendant que les citoyens américains agonisent, Goldman Sachs et Cie se versent des milliards en bonus. Grâce à Obama et Ben Bernanke, qui les arrosent depuis deux ans avec l’argent des contribuables.
Ici, nos banquiers profitent d’une foule d’avantages qui n’ont rien à voir avec le libre marché : prêts hypothécaires garantis par le gouvernement (via la SCHL), protection contre la concurrence étrangère… et bien sûr la politique « sortez vos cartes de crédit et dépensez » de la Banque du Canada, qui maintient les taux d’intérêt au plancher.
Sans oublier les milliards en subventions que l’on donne chaque année aux entreprises, dont plusieurs PDG se retrouvent dans le top 100. Si on trouve choquant le salaire de ces PDG, faudrait commencer par arrêter de les subventionner et de les sauver à chaque gaffe qu’ils commettent.
Et plus d’entreprises devraient faire comme Crédit Suisse en 2008. Cette banque a donné à ses cadres supérieurs, comme bonus de fin d’année, des actifs adossés à des créances hypothécaires – les mêmes produits toxiques qui ont plongé la planète en crise. Ces dirigeants ont bourré les livres de l’entreprise avec ces titres, normal qu’ils les reprennent ! Voilà une façon d’aligner paye et performance.