Il y a déjà de nombreuses années, j’avais remarqué que le développé du sigle DRH avait été discrètement modifié, l'intitulé Direction des Relations humaines ayant cédé la place à celui de Direction des Ressources humaines. Mais je n’avais pas perçu toute la portée de ce changement de dénomination.
Le terme de relation est parfaitement clair : il désigne ce qui relie, parfois lie, voire même unit, des êtres. Le mot ressource est tout aussi explicite. Ainsi une entreprise, industrielle par exemple, dispose de multiples ressources : des matières premières, des fluides (air, gaz, vapeur, carburants), quantité d’éléments qu’elle peut acquérir, stocker ou consommer. On y trouve aussi des outils, des engins, des véhicules, des équipements, des installations qui parfois fonctionnent en régime continu, sans connaître d’autres arrêts que ceux nécessités par leur maintenance ou leur réparation, toutes caractéristiques qui les différencient radicalement des humains.
Il fut un temps où les hommes qui mettent en œuvre tous ces composants étaient considérés pour ce qu’ils sont : l’âme et la mémoire de l’entreprise, les détenteurs des expériences rencontrées, les dépositaires d’années de formation, en un mot la richesse de l’entreprise. Ils sont désormais traités à l’égal des autres ressources : on les prend, les utilise, les consomme puis les jette.
On a cessé d’œuvrer en vue de la pérennité d’une entreprise pour ne plus chercher que le profit maximum, les yeux fixés sur ce critère absolu, le rapport dépenses sur revenu. Comme pour toute fraction, il existe deux voies pour abaisser ce ratio. La première, c’est d’augmenter son dénominateur, le chiffre d’affaires. Mais c’est là une tâche trop ardue pour nombre de nos stratèges. Ils préfèrent alors emprunter la seconde voie, plus simple : diminuer le numérateur, les dépenses, en s’attaquant à la charge considérable que constituent les salaires et les charges. Ils oublient totalement que, ce faisant, ils réduisent les ressources de l’Etat, limitent la consommation des ménages, en un mot mettent en péril la richesse nationale.
Pour dissimuler leurs méfaits, ces gribouilles ont inventé le concept contre nature de ressources humaines. On peut rapprocher cet oxymore d’un autre tout aussi étrange, celui de silence assourdissant. On qualifie ainsi le silence qui règne face à une situation donnée pour signifier qu’il est si profond qu’il surprend comme un bruit formidable mais c’est bien sûr un abus de langage. Nul ne l’entend et seul demeure un grand silence. Il en est de même pour le terme ressources humaines. D’habiles manipulateurs tentent de nous faire croire que leur gestion du personnel est humaine mais il n’en est rien. Ils jouent avec cette ressource qu’ils emploient ou jettent, sans jamais la stocker, et avec très peu de considération pour son humanité.