Natasha Schull - anthropologue et professeur à l’Institut de Technologie de Massachusetts - se rappelle comment, à la fin des années 1990, elle a commencé à observer les gens à Las Vegas fascinés pendant des heures devant les machines à sous et celles de vidéo poker. Qu’est-ce, se demande-elle, qui les tenait collés à ces machines?
Les dernières décennies ont vu un changement radical: depuis les formes sociales du jeu autour des roues de roulette et des tables à cartes au jeu solitaire devant les terminaux électroniques. Dans son livre “Addiction by Design: Machine Gambling in Las Vegas”, paru en 2010 à Princeton University Press, porte le lecteur dans le monde fascinant des appareils de jeu, une forme de jeu de plus en plus populaire et captivante qui brouille la ligne de démarcation entre l’homme et la machine, le contrôle et la dépendance, le risque et la récompense.
Se basant sur les quinze années de recherches sur le terrain à Las Vegas, Natasha Schull apprécie que le rythme mécanique du jeu électronique attire les joueurs dans un état de transe appelée la “zone de la machine”. Dans cet état, les soucis quotidiens, les obligations sociales et même la conscience du propre corps s’évanouissent. Une fois dans cette zone, les joueurs compulsifs jouent pas pour gagner, mais simplement pour poursuivre cet état aussi longtemps que possible - même au prix de l’épuisement physique et économique.
La vérité, cruelle pour les plus novices, est que l’industrie des jeux, comme toute autre industrie, poursuit le profit. L’industrie du divertissement, qui inclut l’industrie des jeux, n’y fait pas exception. Par contre. Schull décrit les calculs stratégiques derrière les algorithmes de jeu et l’ergonomie de la machine, l’architecture du casino et la gestion de l’ambiance, les systèmes d’accès à l’argent - tout cela conçu pour répondre à la demande du marché pour obtenir le maximum de temps à jouer sur un appareil.
Pour écrire “Machine Zone”, Natasha Scull a interrogé les joueurs et les développeurs de jeu et a passé des heures dans les casinos, les magasins et les stations-service, observant le jeu aux machines de jeu. Elle a aussi participé à des salons professionnels où les fabricants de jeux discutaient librement de la façon d’augmenter ce qu’ils appellent “time on device”.
Schull fait valoir que le but du secteur des jeux, est, très simplement, de générer des revenus. “Je ne pense pas que les développeurs de jeux se rassemblent, en se disant: Allons créer de la dépendance!” Elle insiste sur le fait qu’elle n’est pas une “anti-jeu”. Mais elle croit que toute communauté qui a affaire avec les machines de jeu doit savoir comment la technologie fonctionne et comment ça affecte le comportement humain.