sa révision, de la Directive UCITS IV et AIFM, elles impactent toutes le cœur de métier des gestionnaires d’actifs qui se doivent de repenser le périmètre de leur cœur de métier pour conserver leur parts de marchés. A cela s’ajoute un repositionnement stratégique des banques universelles avec la création de co-entreprises (à l’image d’Amundi qui est né du rapprochement de CAAM et SGAM) ou de cessions (à l’image de Barclays Global Investors cédé à BlackRock).
Devant une telle mouvance, les réflexions stratégiques ont abordé le sujet de l’efficacité opérationnelle et du recentrage sur le cœur de métier. La Directive MIF, sans en être à elle seule la cause, a mis un coup de projecteur sur le métier de la négociation au sein de la plupart des établissements de gestion d’actifs.
Historiquement, ce métier de la négociation est assuré par les gérants de portefeuilles. Ces derniers ont pour mission la gestion des portefeuilles (analyse et suivi des valeurs, stratégies d’investissement, suivi des risques et des ratios, respects des objectifs de gestion) mais également le passage des ordres. Cette deuxième activité, fortement chronophage, se fait au détriment de la première qui constitue la réelle valeur ajoutée des gérants. L’introduction de la Directive MIF, avec la multiplication des places de négociation, mais également la mis en place de la politique de « best execution » (obligation de pouvoir justifier l’application des meilleures conditions d’exécution au client), a alourdi l’activité de négociation. Afin de traiter les ordres dans les meilleures conditions possibles, les sociétés de gestion doivent se connecter aux principales places de négociation de manière à pouvoir offrir à leurs clients les conditions les plus avantageuses. Cette recherche de la meilleure exécution possible (à la fois en termes de prix, de sécurité, de fiabilité et de traçabilité) oblige à une refonte de la chaîne de traitement des ordres.
L’idée a donc fait son chemin de séparer les métiers de la gestion et de la négociation. Cette ségrégation offre l’avantage de recentrer le métier des gérants d’actifs sur leur cœur de métier et à professionnaliser la fonction de négociation auprès de spécialistes internes ou externes.
4 GRANDES ORGANISATIONS POUR LA FONCTION DE NEGOCIATION
D’une manière générale, 4 grandes organisations sont possibles pour l’activité de négociation au sein des sociétés de gestion. Le schéma ci-dessous en dresse un panorama :
L’organisation, actuellement en place dans la plupart des sociétés de gestion, est celle de confier le métier de la négociation aux gérants (Organisation 1). Ce modèle est adapté aux sociétés entrepreneuriales avec une taille réduite. Pour ces dernières, la séparation des fonctions n’a pas de sens puisque les économies d’échelle ne seront pas suffisantes pour couvrir l’investissement et les coûts fixes d’une table de négociation dédiée. Une réflexion est tout de même à mener afin d’étudier la possibilité de recourir à une table de négociation externalisée (Organisation 4) si elles souhaitent sous-traiter cette activité.
Les deux premières organisations (Organisation 1 & 2) sont celles historiquement en place. Elles restent tout à fait d’actualité pour les gestionnaires d’actifs souhaitant conserver en interne cette activité malgré sa complexité croissance. En effet, l’externalisation n’est pas toujours la meilleure réponse. La meilleure preuve concerne l’activité de reporting qui est jugée stratégique pour de nombreux acteurs malgré la maturité du marché de la sous-traitance de la part des conservateurs de titres. Le critère du prix constitue un élément clés puisque l’investissement pour l’implémentation d’une table de négociation reste important, de l’ordre de 1 à 4 millions d’euros, avec un coût récurrent proche des 2 millions d’euros par an. A ce tarif là, il n’est pas opportun de se lancer dans une telle structure pour moins de 20 milliards d’euros d’encours sous gestion. Groupama AM (autour de 100 milliards d’euros d’actifs sous gestion) en est le parfait exemple puisqu’ils viennent de créer une table de négociation interne pour l’ensemble des sociétés de gestion du groupe.
Au regard de ces chiffres, pourquoi les réflexions fleurissent chez les gestionnaires d’actifs qui envisagent très sérieusement l’externalisation de ce métier après avoir déjà sous traité la valorisation, le back office, le middle office et plus sporadiquement le reporting ?
UN RECENTRAGE SUR LE CŒUR DE METIER
La valeur ajoutée des sociétés de gestion repose en très grande partie sur l’expertise de leurs gérants. La gestion d’actifs requiert une expertise pointue en termes de recherche, d’analyse et d’allocation d’actifs. La sélection des valeurs constitue le facteur différentiant entre deux gérants opérant sur une même classe d’actifs. Il est illusoire de croire que l’externalisation de la négociation va générer une économie visible pour les clients dans la performance des fonds. Le coût du passage d’ordre sur le marché européen est marginal (autour de 10 points de base) avec une pression concurrentielle forte entre les brokers et les places de négociation. Cependant, le coût caché du temps passé par les gérants à négocier les ordres est de plus en plus important. La Directive MIF complexifie cette activité qui n’est pas le cœur de métier des gérants. Leur retirer cette activité revêt une véritable opportunité pour les sociétés de gestion qui ont la taille critique pour le faire. Encore faut-il opter pour l’organisation la plus en phase avec la stratégie de l’entreprise et ses besoins. Il n’existe pas de modèle optimal mais un modèle plus ou moins bien adapté aux contraintes de chaque société de gestion.
UNE EXTERNALISATION PLUS OU MOINS POUSSEE
L’externalisation de la table de négociation peut être réalisée soit :
- en interne, au sein d’un groupe bancaire à l’image d’Amundi Intermédiation (Crédit Agricole) et de Fin’IS (BNP Paribas),
- en externe, au sein d’une entreprise sans aucun lien capitalistique comme le propose Exoé.
Quel que soit le modèle retenu, les services attendus sont identiques et ils couvrent à minima :
- Une couverture des produits en phase avec les besoins de la société de gestion lui permettant de couvrir l’ensemble des valeurs composant ses portefeuilles. Cette couverture doit être la plus large possible tant en termes de classes d’actifs (actions, obligations, taux, OTC, dérivés, …) que de zones géographiques (Europe, Asie, …)
- Une liquidité immédiate et maximale avec la connexion à l’ensemble des principales places de négociation (marchés règlementés, MTF, dark pool) de manière à pouvoir capter la liquidité et trouver les meilleures conditions tarifaires pour l’exécution des ordres. Bien évidemment, chaque transaction se fait en respectant la politique d’exécution mise en place par la société de gestion.
- Une technologie de pointe permettant de s’acquitter avec succès des règles fixées dans la politique de « best execution ». La Directive MIF impose de prouver que les ordres sont passés au mieux des intérêts des clients avec une traçabilité et un archivage de chaque transaction quelque soit le broker ou la place de négociation. Ces investissements dans des systèmes de plus en plus complexes ne sont pas toujours accessibles aux petites sociétés de gestion. La table de négociation propose donc d’offrir sa technologie pour l’activité de RTO (Réception et Transmission d’Ordres). La table de négociation assure un traitement STP depuis la transmission des ordres par la société de gestion jusqu’à leur dénouement. Pour cela elle déploie un OMS (Order Management System) et des EMS (Execution Management System) auprès de l’ensemble des brokers et des places de négociation de manière à gagner en efficacité et réduire les risques par une automatisation des chaînes de traitement.
Au-delà de ces services de base, les structures indépendantes de négociation développent et poussent leurs offres de services à valeur ajoutée pour les sociétés de gestion désireuses de se délester d’activités devenues périphériques à l’image de :
- La définition de la politique de meilleure exécution, imposée par la Directive MIF, peut être définie en collaboration avec la société de gestion. La table de négociation, au regard de son expérience, peut aider la société de gestion à définir ses besoins et rédiger une politique conforme à ses attentes. La politique sera d’autant mieux cadrée que la table de négociation sera en charge de la respecter par la suite.
- La négociation des conditions tarifaires auprès des contreparties s’avère un enjeu majeur pour toute société de gestion. La table de négociation, avec son volume d’activité consolidé, possède une force de négociation plus importante puisqu’elle parle au nom de l’ensemble des ses clients. Il est important de rappeler que, pour cette activité, le prix est calculé sur le volume (coût unitaire par ordre) et non pas le montant (montant unitaire par ordre). Recourir à ce service permet à la société de gestion de bénéficier de meilleures conditions tarifaires et de déléguer la contractualisation des relations avec les contreparties qui nécessitent une expertise juridique pointue, pas toujours disponible chez les acteurs entrepreneuriaux.
- La production des reportings imposés par le Directive MIF sur la justification de la politique de « best execution ». Les tables de négociation possèdent l’ensemble des informations et des outils à la production de reporting industrialisés et personnalisables en fonction des besoins de chaque société de gestion. A charge à la société de gestion d’évaluer régulièrement la table de négociation dans la qualité des informations fournies et le respect de la politique de « best execution ».
UNE REFLEXION STRATEGIQUE A MENER
Quelle que soit l’organisation retenue, la volonté de créer ou non une table de négociation, de l’internaliser ou non, chaque société de gestion se doit de mener une réflexion stratégique sur cette activité. La récente crise financière a profondément impacté les gestionnaires d’actifs dont le paysage concurrentiel est en pleine recomposition. L’externalisation de services périphériques et la mise en avant des équipes de gestion constitue une réponse forte envers les clients. L’optimisation de la négociation des ordres est un enjeu qu’il faut intégrer et traiter. Pour cette fonction, il n’existe pas de bonne organisation si ce n’est celle qui est la plus en phase avec les orientations stratégiques de la société. Dans tous les cas, l’externalisation possède des atouts indéniables avec des acteurs reconnus possédant une offre de service mature et respectueuse des contraintes règlementaires de plus en plus pressantes.
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