Que le bonheur soit, ou non, une utopie, nul doute que chaque être humain y aspire, au point que, de nos jours, certains gourous autoproclamés n’hésitent pas à s’enrichir en proposant à une clientèle croissante des séances de coaching dont l’efficacité semble plutôt douteuse. Comment, d’ailleurs, définir le bonheur, alors que les penseurs majeurs de l’humanité en offrent des versions très diverses, voire opposées ? Peut-on l’atteindre par la vertu, comme l’avance Aristote (non la vertu moralisatrice des rosières, mais une éthique d’accomplissement personnel) ? Ou par l’hédonisme (assorti d’une solide éthique, contrairement à ce que prétendent ses détracteurs), comme le pensait Epicure ? Ou bien dans la « vertu sans plaisir » de Sénèque ? Au fil des chapitres, les auteurs présentent encore la vision du bonheur de Descartes, celle de Rousseau (et sa fiction du « bon sauvage »), celle, pessimiste, de Schopenhauer ou celle, plus réaliste, d’Alain. La pédagogie proposée, claire et bien structurée, permet à chacun de se forger une opinion et de choisir sa voie.
Car cette espérance, André Comte-Sponville la définit comme « désirer sans jouir et sans savoir », reprenant le mot de Spinoza : « Il n’y a pas d’espoir sans crainte ni de crainte sans espoir. » Lucide, Comte-Sponville sait que l’on ne peut s’interdire d’espérer, mais il nous propose une approche originale, une philosophie à la mesure de nos possibilités humaines : « Il s’agit, dans l’ordre théorique, de croire un peu moins et de connaître un peu plus ; dans l’ordre pratique, politique ou éthique, il s’agit d’espérer un peu moins et d’agir un peu plus ; enfin, dans l’ordre affectif ou spirituel, il s’agit d’espérer un peu moins et d’aimer un peu plus. »
Illustration : Baruch Spinoza, gravure.